• Je regardai les groupes se décider sans vraiment me soucier d'eux jusqu'à ce que je remarque Yan à l'écart. Soucieuse de son état, j'allai le voir.

     

    - Ça va depuis la dernière fois ?

    - Oh ! Oh...Lana. Oui...enfin non. On va dire que mes pouvoirs marchent moins bien que d'habitude. Il y a comme un problème. Déclara-t-il en fixant sa paume de main, faiblement éclairée d'une lueur grise.

     

    La perte continuait. De plus en plus de gens allaient être infectée par elle et je n'avais qu'un seul remède, qu'une seule seringue. Cela signifiait aussi que la SP était au courant et qu'elle avait trouvé le moyen de soigner ses membres mais comment le sang du Destructeur leur était parvenu ?

     

    Leur avait-il donné de sa volonté propre ?

     

    Mais je voulais la donner à Alban. Son équipe était en sous-effectif et avait une mission bien plus importante alors je ne voulais pas manquer de magie.

     

    - Alban ? Tu peux m'accorder une seconde ?

    - Oui bien sûr.

     

    Il me rejoignit à l'écart des autres. Je tirais rapidement sa manche et, sans lui laisser le temps de faire quoique ce soit, lui plantait la seringue dans une veine bien visible.

     

    - Ah !

     

    Il pâlit à la vue de l'aiguille mais aussi à celle du liquide noir glissant à travers le tube jusque dans son sang. Peut- être aurais- je dû demander avant ? Il s'était figé dans son effroi.

    Une fois que le flacon fut vidé, je la retirai.

     

    - Qu'est-ce que tu m'as...c'était quoi ce...

     

    Il s'effondra, les yeux fermés, et je le rattrapai tant bien que mal. Quand il les ouvrit, leur vivacité me coupa le souffle. Un brasier entier semblait s'être allumé dans ses pupilles.

     

    - Mes pouvoirs. Comment as-tu pu les faire revenir ?

     

    Bien qu'il me posât la question, il ne me regardait pas, totalement absorbé par les lueurs argentées s'échappant de sa paume de main.

     

    Avais- je fait le bon choix ?

    Un certain sentiment m'échappait ; j'avais l'impression qu'il était beaucoup trop obnubilé par sa capacité.

     

    Je n'étais pas la seule à avoir cette idée car Jess, en arrivant et découvrant Alban dans cet état ainsi que la seringue, me jeta un regard noir.

     

    - Tu n'aurais pas dû ! Il pouvait s'en passer, il avait compris et s'était habitué à l'idée de les perdre ! Maintenant j'ai peur qu'il...Tch.

    - Je ne sais pas. Même s'il les a retrouvés aujourd'hui, il les reperdra à un moment ou un autre.

    - Que veux-tu dire ? Y a-t-il quelque chose que tu nous caches ?

     

    Je lui fis un sourire désolé avant de me diriger vers Alex, sans aucune explication à son égard. Il n'était pas temps de les embrouiller, je devais seulement le leur révéler plus tard.

     

    Des choses restaient à éclaircir de notre côté. Nous ne savions même pas la cause de cette disparition ! Était- ce naturel ? Avais-je eu raison d'avancer cette supposition ? Étions-nous tous destinés à redevenir quelqu'un de « normal » ?

     

    - Lana ? Tu vas bien ? Tu parais soucieuse. S'enquit Alex, en posant la main sur mon épaule.

    - Oui, je réfléchissais juste.

    - On devrait se mettre en route, les autres groupes commencent déjà à partir.

     

    Il me sourit, rassurant, et dès que Lukas nous rejoignit on commença à marcher. J'entendais, tout autour de moi, des conversations, nous étions les seuls à être silencieux. Une sorte...d'inconfort était entre nous.

     

    On arriva très vite devant notre porte. Tandis que notre ami scrutait l'horizon à l'aide de jumelles, Alex tenta de renouer le dialogue une fois de plus.

     

    - Tout un objectif est devant nous. Y arriverons-nous ?

     

    Je ne répondis pas mais il ne s'en formalisa pas pour autant, affichant même un petit sourire de satisfaction sur son visage.

     

    - Je crois en nous.

    - C'est parti. Le combat a débuté.

     

    Lukas se dirigea vers la porte et essaya de l'ouvrir, sans résultat apparent. Il poussa vainement, une mine effarée prenant place sur son visage.

     

    - Je ne comprends pas...elle ne devrait pas pouvoir s'être refermée !

     

    Sa tournure de phrase état étrange. Comme ça ''ne devrait pas pouvoir'' ? Encore une fois il était plein de mystères. Bon, une porte, ce n'était pas difficile à bouger.

    Je posai ma main à plat contre et activai ma capacité sans que rien ne se produise. Il y avait une résistance...quelque chose d'électrique.

     

    - La porte est bloquée, je ne peux rien y faire.

    - Merde. S'exclama Lukas, visiblement frustré.

     

    Je me tournais vers Alex pour savoir ce qu'il en pensait. Je le trouvais à fixer l'ouverture, les yeux brillants de surprise. Il tendit ensuite sa main vers l'entrée.

     

    - Déclinaison

     

    Un choc se produisit et il y eut une légère explosion de lumière, d'étincelle, autour de la porte. Un grincement mécanique résonna et, quand le flash se dissipa, elle était ouverte.

     

    - J'ai réussi. J'ai maîtrisé l'électricité !

    - Alex c'est...normal ?

    - Tu ne savais pas ? Tout le monde, selon leur capacité, a des déclinaisons possibles. Cela peut apporter ou renfoncer quelque chose. En occurrence, nous, les Empereurs en possèdent une plus définie.

     

    Une variation plutôt...élémentaire ?

     

    Cette description me faisait penser aux Briseurs de Limites.

     

    Non, je n'étais pas au courant. Cela me gênait un peu de ne pas l'avoir su avant. Et moi ? Quel genre en possédais-je ? Je supposais que cela pouvait s'apparenter au supplément qu'obtenait un briseur de limite.

     

    - Dépêchons. Reprit Lukas, plus terre à terre.

     

    Notre temps était certainement compté. Encore une fois, pas le temps de réfléchir ou de s'attarder dessus.

     

    Il suffit qu'un escalier soit monté pour que l'on trouve la bonne salle. Ellie et Tyan semblaient dans un pire état que la dernière fois, nul doute qu'ils étaient repassés aux expériences sur eux également.

     

    Lukas se plaça devant les incubateurs et ferma les yeux. J'espérai qu'il allait réussir. De tout cœur, j'étais avec lui. Alex et moi nous mîmes à chercher un ordinateur. Justement, il y en avait un dans la pièce d'à côté mais il y avait un mot de passe, bien entendu.

     

    - Tu pourrais utiliser ta déviation là ?

    - Hey ! J'ai dit « avoir maîtrisé l'électricité » pas « savoir cracker un système info » ! Je risque de faire sauter l'ordi.

    - Mais c'est possible ?

     

    Tout en maintenant son regard rivé vers l'ordi, il rabattit les mèches de cheveux qui lui tombaient devant les yeux en soupirant. Puis il posa une main sur le clavier. Un léger rayon lumineux s'en réchappa.

     

    - Je vais le faire.

     

    Ses deux paumes de main étaient rivées vers et il avait les yeux fermés. Rien ne bougea à partir de ce moment sauf l'écran qui se teignit de noir et de lignes de code. Au bout de plusieurs minutes, il se ralluma et un fond d'écran apparut.

     

    Il avait réussi. Il avait totalement maîtrisé sa déviation ! Je me jetai à son cou, heureuse.

     

    - Tu as réussi ! On est officiellement dans leur base de données !

    - Oui … j'en suis moi-même surpris.

     

    Je commençai à rechercher parmi les dossiers mais il y en avait tellement … Je tapai dans la barre de recherche « IMP » et aussitôt trois fichiers apparurent.

     

    >Projet IMP = journal de bord

    >Explication du projet IMP = Deux versions s'opposent

    >Extension IMP = Destructeur

     

    En premier, je cliquai sur le journal de bord qui n'était pas très important, juste des précisions sur chaque semaine, des notes qu'IO … notre tuteur … avait laissé. Bizarrement, je ne me souvenais pas de lui ou d'elle. Juste de sa gentillesse et bienveillance constante envers nous.

     

    Un vrai protecteur, ange- gardien, la seule personne rendant notre quotidien un peu moins lourd.

    Rien ne me fut vraiment utile à part une notre parlant des « déviations » mais sans évoquer les miennes alors …

     

    J'ouvris le deuxième fichier dans l'espoir d'y trouver quelque chose de plus intéressant.

     

    Frissons.

     

    Il n'y avait rien dedans, il semblait avoir été vidé, juste une photo.

     

    Vérité.

     

    « Illustrations du projet IMP »

     

    Je nous reconnaissais sur l'image ainsi qu'un autre garçon, facilement identifiable comme étant Kagami mais au centre … se trouvait un homme. IO. De son visage à son corps si reconnaissable, de ses cheveux châtains très sombres voire noirs à ses yeux bleus-verts très clairs.

     

    C'était impossible et quand même … Lukas était sur cette photo.


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  •  

    - Ow ! J'ai dû mal à y croire. Si on prend cette photo, tous les « revenants du passé » sont présents sauf le Créateur ?

    - Il n'a jamais été avec nous … et s'il l'avait été en fait ? Le Créateur … Lukas.

     

    On réfléchit quelques instants. C'était sordide cependant c'était probablement vrai. Je contemplai la photo encore un peu avant de changer de fichier. Il était certain qu'il devrait faire face à nos questions.

    Il n'y avait qu'un seul document dans le fichier du Destructeur. Je cliquai dessus.

     

    RIEN NE POURRA LES SAUVER

    TANT QUE CE QUI LEUR AURA ETE VOLE

    NE SERA PAS RENDU

    IL MANQUE LE NOYAU DE LEURS AMES

    LE SEUL QUI POURRA LES FAIRE REVENIR

    SANS CA

    ILS SONT CONDAMNES A ERRER

     

    Je me figeai, le souffle court. Du coin de l’œil, j'aperçus Alex faire un mouvement de recul. Ces voix étaient sans doute celles de l'Imperaair et Imperaeau.

    Leurs mots continuaient de résonner. Je me ruais en dehors de la pièce, délaissant l'ordinateur. Apparemment, Lukas avait réussi à les sortir de leurs incubateurs sans réveiller leurs Impereurs.

     

    - Il n'y a rien … je ne peux accéder à leurs esprits. Il semble manquer quelque chose.

    - Oui. Le noyau de leurs âmes est manquant.

     

    À ce moment précis, il tiqua plutôt violemment. Comprenait-il ce qu'était un noyau ? Je n'en avais aucune idée. En tout cas, rien au-delà de son nom. Possédions-nous, à l'intérieur, une forme, une base, pouvant être retirée ?

    Alex revint à ce moment-là, un dossier assez compact dans les mains. S'approchant de moi, il me déposa un baiser sur la joue avant de me murmurer à l'oreille.

     

    - Je crois que tu as oublié d'emporter le plus important chérie.

    - Chérie ?

     

    Il ne parla pas davantage, se contentant de me sourire avec amusement. Sourire qui se transforma en grimace lorsque Lukas lui pinça le bras.

     

    - Aie !

    - On est toujours en mission pas en camp de vacances !

    - Plus important, c'est quoi un noyau d'âme ?

     

    Ma demande se tourna vers Lukas, bien sûr, car il semblait être le seul à en avoir une vague idée. Les questions sur les fichiers devraient apparemment attendre …

     

    - En clair, nos âmes contiennent des noyaux. Cela nous permet en principe de nous réincarner, peu importe la personne que l'on devient, il ne change pas, mais s'il est retiré … Il peut empêcher la réincarnation, empêcher de mourir. Et aux pauvres qui ne peuvent trouver le repos et dont l'enlèvement du noyau a été empêché, ils deviennent des fantômes.

    - Ah, il y a un dossier.

     

    Je n'avais pas vu le fichier en fouillant ? Cela me semblait peu probable. Sûrement étaient-elles dans le dossier du Destructeur ? Mais cela n'aurait aucun sens, les deux affaires n'étaient pas liées.

     

    Projet N.A

    Ayant débuté le projet IMP, le chef Pluton, expert en neuroscience, et le chef Junon, expert comportemental, ont décidé d'une solution à terme pour permettre la conservation des sujets. Si la base même reposait sur un noyau, comme l'avait démontré les précédentes recherches, alors les expériences devaient aussi se baser dessus.

    1- 1j : Le noyau retiré, le sujet semble réagir plutôt normalement.

    1- 2j : L'état stable se dégrade.

    1- 3j : Perte du patient.

    2- 1j : Noyau retiré

    2- 2j : État encore stable.

    2- 3j : Légère dégradation comportementale.

    2- 4j : Élimination du sujet.

     

    La liste continuait de s'allonger, peu importe si le sujet pouvait survivre un jour de plus que les autres, il finissait éliminé ou perdu. Les chefs de ce projet s'étaient surnommés au nom de dieu … Pluton et Junon … le valaient- ils vraiment après avoir tué autant de gens ? C'était la première fois que j'entendais parler d'eux.

     

    134- 6j : Stabilisation du projet.

    134- 7j : Réussite.

    Suite au dernier essai, conservation d'Imperaair et d'Imperaeau.

     

    Le document se finissait là. Il avait fallu 133 sacrifices pour qu'ils puissent réussir ? Je trouvais ça juste … énorme. Cependant, cela ne nous aidait en rien dans notre recherche.

     

    - Ombre-Lumière, montre- moi l'emplacement des noyaux d'Ellie et de Tyan.

     

    ES-TU SÛRE ?

     

    Je me stoppai. Je ne comprenais pas. Habituellement, il ne remettait pas mes décisions en doute alors pourquoi c'était différent cette fois-ci ? Luka me coupa net dans mes réflexions.

     

    - Fais-moi un plan numérique 3D de leur emplacement.

     

    COMPRIS.

     

    Pourquoi la demande de Lukas avait été exaucée et non la mienne ? C'était étrange. J'avais beau posséder l'Ombre- Lumière, j'en ignorais trop à son sujet.

     

    - Évite de faire des souhaits à partir de maintenant. M'avertit presque aussitôt Lukas en récupérant la tablette qui venait de lui être fourni par le livre.

     

    Les questions continuaient de me brûler les lèvres mais je n'avais aucune envie de le mettre dos au mur pour l'instant. À peine ce dernier eut allumé l'appareil qu'une structure apparut. Avec un toit et une répartition pareille, je reconnaissais ce bâtiment. Alex, à côté de moi, parut tout aussi surpris.

     

    - Hé mais c'est … la base de l'Alliance !


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  •  

    - Caché sous nos pieds, impossible à trouver. Cela descend plus loin que le sous-sol de la dernière fois.

    - Où ?

    - Non, vous ne pouvez pas savoir, vous n'étiez présents. Enfin, si Alex mais tu es parti juste avant.

     

    Un mouvement de la part de Lukas attira mon attention et je le vis avec empressement glisser ses mains dans ses poches. C'était trop tard. J'avais vu à quel point elles tremblaient. Était- ce dû à son utilisation de capacité juste avant ? Pourquoi tenait-il à nous le cacher ?

     

    Je me détournai et consultai la carte. Effectivement, des canaux s'étendaient sur cinq étages après le sous- sol.

     

    - Vous voyez ici ? Fis-je en désignant un point. Le passage a été sûrement bouché intentionnellement. Il doit y avoir une autre entrée.

     

    Si mes deux camarades acquiesçaient, je ne me sentais pas rassurée le moins du monde. Et si je me trompais ? Alex prit Tyan sur son dos tandis que Lukas prenait Ellie. À ce moment précis, mon oreillette s'actionna et j'entendis la voix de Clara.

     

    [Lana, on a fini mais des ennemis commencent à arriver.]

     

    - Okay, essayez de vous retirer rapidement sans combat.

     

    [Compris. Faîtes attention à vous.]

     

    - Merci à vous aussi.

     

    [Attends Alban ! Ne fais pas-]

     

    - Clara ? Clara !

     

    Aucune réponse, la communication avait coupé net. De plus en plus, je sentais que mon choix n'avait pas été le bon, que je n'aurais pas dû redonner le monopole de ses pouvoirs à Alban. Je me retournais vers mes amis, sûrement avec une mine sombre, car Alex comprit immédiatement que quelque chose s'était produit.

     

    - Les autres ont des soucis ?

    - Ouais, il faut se dépêcher, les ennemis arrivent. Ils les ont-

     

    Je ne pus dire un mot supplémentaire. Vouloir les sauver maintenant ne serait-ce pas comme ne pas leur accorder de la confiance ? Je les avais choisis exprès car je croyais en eux. Je ne devais pas m'en faire.

     

    - Lana, alors ? Demanda Lukas, un peu inquiet mais pressé.

    - Rien, dépêchons-nous de quitter cet endroit.

     

    À peine nous arrivions au premier étage que l'on put entendre plusieurs voix. Bien évidemment, des ennemis. Ils étaient déjà de retour ! Et le front ? Mon oreillette cligna un instant. Je fis signe à mes deux amis de s'arrêter.

     

    [Lana ? C'est Yan, on se retire. On ne peut pas en faire plus pour l'instant.]

     

    - Compris.

     

    J'avais l'explication mais aucune solution à notre situation. Ils devaient au moins être une dizaine et se situaient juste à côté de nous. Du coin de l’œil, je vis Alex déposer Tyan. Il vint ensuite face à moi et me prit les mains.

     

    - On le fait ? Me murmura-t-il doucement.

    - De quoi ?

    - Le deuxième sceau.

     

    Il nous débarrasserait certainement de tous les ennemis. Cependant c'était épuisant. Je savais comment utiliser ce sceau mais ne l'avait jamais fait. Il était recommandé d'être deux et j'étais seule la plupart du temps. Je sentais mes pouvoirs impatients.

     

    - C'est d'accord.

     

    Je le sentais tremblant. Il était aussi anxieux que moi. Nous n'avions pas vraiment le droit à l'erreur après tout. De la chaleur émanait tout autour de lui et je la sentais me parvenir à travers le lien que nous établissions. Deux lueurs apparurent au- dessus de nos mains liées. Elles commencèrent à tourner, leur vivacité de plus en plus éblouissante.

     

    - [Deuxième sceau, La GEHENNE]

     

    La première vibration nous projeta à terre. Durant la deuxième, nous nous levions à la hâte en s'appuyant contre les murs pour voir le résultat.

     

    Un sceau était apparu au sol, il prenait toute la salle où les ennemis étaient assemblés. Des flammes et des lianes les aspiraient dans le sol, les emmenant en « enfer », sous leurs cris de souffrance.

     

    C'était à couper le souffle. Éphémère et fantastique. Un spectacle funèbre avec, pour seuls spectateurs, nous trois. Alex était pareil à mes émotions. Fasciné et effrayé. Je resserrai ma prise sur sa main que je n'avais pas lâchée tandis que les dernières voluptés de l'invocation se dissipaient.

     

    Lukas, à quelques pas devant, était même plus étonné que nous. À cet instant, on aurait même dit...qu'il avait peur. Il avait la même expression que quand j'avais utilisé le premier sceau. Pourquoi ?

     

    Notre puissance pouvait faire peur, y avait-il autre chose ? Je brisai le lien. Mes jambes faiblirent. J'accusai le coup difficilement et je vis Alex éprouver les mêmes difficultés que moi mais en tentant en plus de prendre Tyan. Le sort pesait lourd sur nous.

     

    - Je vais t'aider. Lui dis-je m'approchant de lui.

    - Non Lana, tu es faible.

    - Alex !

     

    Sous mon regard dur, il soupira et nous passâmes chacun un bras sur nos épaules pour le transporter. Lukas nous ouvrait la voie mais n'avait plus décroché un mot depuis. À peine, nous réussîmes à arriver dans la forêt au-dessus de la plaine que je m'écroulai, en nage après un tel effort.

    Ma respiration était sifflante et mis quelques minutes à se stabiliser.

     

    Mes deux coéquipiers étaient fatigués physiquement eux aussi. J'entendais des cris venant de la plaine, eux ne semblaient même pas s'en rendre compte.

     

    Je devais faire quelque chose pour nous sauver. Ce devait être possible de nous téléporter à la base. Après tout, nous étions sur terre, mon élément, c'était juste un déplacement connecté à travers le sol.

     

    - Désolée. Je vais ... nous ramener.

    - Arrête ça immédiatement. On va juste se reposer et partir après, ce n'est pas grave. Tu es déjà bien trop mal pour utiliser une quelconque magie ! Me réprimanda sévèrement Lukas.

     

    Il était redevenu comme avant. Pas celui manipulateur de ces derniers jours mais celui attentionné que j'avais sauvé des chevaliers noirs. J'en était heureuse et en même temps triste.

     

    Je lui fis un sourire juste avant que ma magie n'opère.

     

    En quinze seconde nous étions devant la base et il n'en fallut qu'une de plus pour que je sombre dans l'inconscience.


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  •  

    Je me réveillai, encore amorphe par la fatigue, mais reposée des utilisations successives de ma capacité. Lukas et Alex étaient à mon chevet. Dès qu'ils virent que j'étais réveillée, leurs mines passèrent d'une angoisse profonde à une colère furibonde.

     

    - Tu es vraiment inconsciente ! C'était vraiment dangereux et stupide de ta part. En voulant nous faire gagner du temps, tu nous en as fait perdre.

     

    Passant outre le sermon de Lukas, Alex, lui, vint me serrer dans ses bras.

     

    - Lana, j'étais si inquiet ! Tu n'as pas idée du danger auquel tu t'exposes !

     

    Agacée, je me dégageai tant bien que mal de son étreinte. Mon mal de tête était persistant. Je ne me sentais pas bien. J'étais à l'étroit. Leurs sermons n'arrangeaient rien. Ma colère semblait enfler de seconde en seconde et c'était insupportable.

     

    - Mais oui j'étais consciente des dangers ! Qu'aurions nous fait si nous avions été suivis ? Nous nous serions battus ? Mais bien sûr ! Avec moi, incapable de me relever, Alex, au bord de l'effondrement et Lukas, oui toi, croyais-tu que je n'avais pas remarqué le tremblement incessant de tes mains ? Quel est l'intérêt d'effectuer une telle mission si c'est pour se faire prendre ensuite ?

     

    Le silence était revenu. Mais il était étrangement soulageant pour moi. Ils semblaient penauds. J'aurais préféré leur exposer mon avis sans leur crier dessus mais tant pis. Je savais qu'ils ne m'auraient pas écoutée.

     

    - Combien de temps ai-je dormi ?

    - Deux heures.

    - On va aller chercher l'entrée. Vous allez voir à l'extérieur, je fouille l'intérieur.

     

    … et plus particulièrement le sous-sol. Je me relevai, pleine de détermination et les laissai derrière sans plus me soucier d'eux.

     

    L'endroit n'avait pas changé depuis la dernière fois que j'étais venue. Le même escalier en colimaçon et les mêmes cellules. Si Alex était clairement reparti par un portail, Tania cependant venait d'ailleurs.

     

    En me rappelant sa position, j'en déduisis qu'elle ne pouvait pas venir du fond des cachots mais d'un endroit proche de l'entrée. Je posai ma main au sol pour essayer de sentir un quelconque creux. Mes pas me menèrent devant le bureau des gardes où reposaient toutes les clés.

     

    Je tâtai à l'aveuglette l’alcôve un peu trop haute pour moi dans l'espoir d'y trouver quelque chose. Bingo ! Je pressai le mécanisme et un grand fracas de rouages se produisit. Nul doute que ceux à l'étage devait l'entendre.

     

    Une porte apparut dans ce qui semblait être une ancienne cellule mais qui n'avait plus de barreaux. Curieuse, je jetai un coup d’œil. Il y faisait totalement sombre.

     

    - Lana ! S'écria Alex du bas des escaliers alors que je rentrai à l'intérieur.

     

    Je me retournai vers lui et aussitôt un grincement retentit. La porte se referma. Sans repères dans la pénombre la plus totale, je cherchai un interrupteur sur les murs. Très vite, je fus perdue.

     

    Où était l'entrée ? Devant moi ou derrière ? Sur ma droite ou ma gauche ?

     

    On tapa contre le mur et j'essayai de trouver la source. Une peur inexplicable me prenait au ventre. Je n'avais pourtant jamais redouté les endroits sombres mais c'était comme si les ténèbres engloutissaient tout...comme si je n'allais jamais retrouver la lumière.

     

    - Alex, il y a un moyen d'ouvrir la porte dans l'alcôve du bureau !

     

    Je criai mais j'avais l'impression que c'était vain. Mon cri résonnait en écho tout autour de moi et je l'entendais tambouriner furieusement contre la roche. Réussissant à trouver un mur et peut- être le bon, je me mis aussi à taper dessus.

     

    Je pris une grande inspiration pour chasser mon impression d'étouffer et me surpris à imaginer la paroi disparaître, remplacée par un trou béant. De mes mains se mit à émaner une étrange lueur. Je les dégageai de la pierre, devenue brûlante, et regardai la surface se dissoudre. Comme du magma.

     

    Et Alex se retrouva face à moi. Dans un élan, il me serra dans ses bras à nouveau et je m'y laissai aller. Mon angoisse s’apaisant au fur et à mesure de ce contact.

     

    - Encore une fois, c'était dangereux. Bravo aussi, tu as atteint l'une de tes déviations. Apparemment du magma.

     

    J'acquiesçai, soulagée de ne plus être enfermée dans cette pièce obscure. La réalisation me frappa ensuite. Une déviation … je savais que j'en avais voulu une. Je ne m'attendais pas à l'obtenir aussi rapidement.

     

    - Comment as-tu su que j'étais là ?

    - Eh bien, je me suis rappelé de ce que m'avait dit Tania et puis, tu ne nous donnes pas souvent des ordres. Sauf si tu as quelque chose de précis en tête.

     

    Il me connaissait trop bien. Mais le contraire était aussi vrai.

     

    Il fit apparaître une boule de feu dans sa main et avança de quelques pas afin d'éclairer l'endroit dans lequel j'avais été enfermée. Il s'agissait d'abord d'un long couloir qui finissait sur des escaliers.

     

    Si je me souvenais bien, au- dessus de nous se trouvait un couloir d'à peu près la même taille connectée à des salons. Aucun escalier par contre. À part le sous- sol, le bâtiment était de plein pied avec toi accessible.

     

    - Et Lukas ?

    - Pour une raison qui m'échappe, tu préfères qu'il ne soit pas là pas vrai ?

    - Oui.

     

    Je déposai un baiser léger sur ses lèvres pour le remercier. J'étais soulagée qu'il m'ait comprise. Côte à côte, on descendit les marches puis traversa plusieurs salles. Tout ici me faisait frissonner. L'endroit semblait désert mais une étrange atmosphère s'en réchappait.

     

    - Ce doit être un étage en dessous de nous. Me murmura Alex à l'oreille.

    - Ce qui me chiffonne c'est qu'il reste quatre étages en dessous de nous. Que peuvent-ils bien conten-

     

    Un cri déchirant m'interrompit. Ce n'était pas humain du tout ou du moins presque pas. Et c'était proche de nous.

     

    Dans un réflexe presque instantané, Alex m'avait attirée avec lui sous un bureau. Un pas léger passa devant nous. Ses jambes étaient entourées de matière noire et, malgré le bruit, on aurait plutôt dit qu'il ne marchait pas mais volait au- dessus du sol.

     

    Je ne pouvais voir grand- chose du buste seulement ses mains, plus semblables à des griffes, recouvertes aussi de noir, ainsi que le début de son bras droit sur lequel était inscrit un nombre « 118 ».

     

    - Alex tu as le dossier des tests de Junon et Pluton ?

    - Oui, tiens.

     

    En regardant la liste, je vis que la fin des expériences alternait toujours entre soit des pertes ou des éliminations. Le 118 était censé être une élimination. Pourquoi son corps était-il toujours là ?

     

    Le problème des textes dactylographiés, c'était que l'on ne pouvait déterminer l'état de l'auteur en observant l'écriture. Pourquoi avoir modifié la police du texte à la dernière ligne ?

     

    Si ce que je pensais était juste alors il était probable que plusieurs sujets censés avoir été « éliminés » soient en vie et en liberté dans ce laboratoire. Ils déambulaient tels des fantômes, dénués du noyau de leurs âmes.

     

    Le bruit des pas s'atténua.

     

    On se releva, prudents, et avança. Nous ne prononcions plus un mot. Il arriva un moment où l'on croisa un autre de ces résultats d'expérience dans le couloir.

     

    On se plaqua contre le mur pour le laisser passer et j'eus tout le loisir d'observer le haut de son corps.

     

    Son buste, translucide, était à moitié parsemé de tâches noires ou rougeâtres telles du sang. Aussi, il n'y avait aucun moyen de savoir si c'était un homme ou une femme. Aucun organe reproducteur, signe distinctif quelconque, n'était visible. Tout ce qui faisait de cette chose une personne avec une identité avait disparu.

     

    Son visage était un amas flou d'éléments ; de grands yeux blancs et vides, une bouche entrouverte, comme s'il essayait de dire quelque chose, qui dévoilait des dents beaucoup plus aiguisées que normalement. Dénué de cheveux, sourcils, il avait le crâne aussi translucide et tacheté que le reste de son corps.

     

    « Ça » semblait particulièrement inhumain et, quand bien même, on ne pouvait pas nier son origine humaine.

     

    Il passa devant nous sans nous voir et l'on put descendre. Une fois en bas, la pression se relâcha un peu. Mais à cet étage aussi il y avait des fantômes. Alex me fit signe en pointant le mur sur lequel était signalé : Quartiers privés <- - - - - - - - - - > Laboratoire

     

    Une décision s'imposa directement à moi. Il fallait que j'aille voir les appartements des scientifiques.

     

    - Va au laboratoire, je te rejoindrai.

    - Pourquoi ?

    - Je t'expliquerai plus tard, fais-moi confiance ?

     

    Il soupira avant d'acquiescer.

    Je partis assez rapidement vers l'aile ouest. Au bout d'un moment, une poigne froide s'agrippa à mon bras, coupant mon élan.

     

    Je me retournai et sentis des griffes s'enfoncer profondément dans mon bras. Je refrénais les longs frissons qui me parcouraient en voyant le fantôme. Je ne pouvais même pas savoir s'il me fixait ou non. Sa bouche était ouverte, les crocs en avant, mais bizarrement il avait arrêté tout mouvement.

     

    - Ai … dez … moi … Tu … ez … moi

     

    Aussitôt, la poigne se desserra et il partit dans la direction opposée, me laissant là avec pour seule trace de son passage les griffures sanguinolentes sur mon bras. Était-ce là ses dernières volontés avant que sa conscience ne s'évanouisse et qu'il ne devienne … ça ?

     

    Répétées à l'infini, la seule chose qu'il puisse à présent communiquer ; son désir de mort. Il faisait partie de ces gens, choses, qui ne vivaient même plus.

     

    Et j'atteignis les quartiers. Bien évidemment, chaque porte portait un véritable nom et prénom voire plusieurs mais une attira mon attention.

     

    Plutarc Nonymac – Julie Toneski


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  • Toneski m'était vraiment familier, j'étais sûre de l'avoir déjà entendu quelque part. Je poussai la porte. Une odeur de parfum doux m'envahit les narines. Encore une fois, cela me rappelait quelque chose.

     

    La cabine était pleine d'affaires, de souvenirs. Un lit deux places contre le mur avaient, de chaque côté, une table de nuit. Une salle de bain était visible dans le fond ainsi qu'une cuisine à sa droite. Une armoire était incluse directement dans le mur du couloir et face au lit se tenaient deux bureaux.

     

    Si les deux semblaient parfaitement rangés, sur celui de gauche traînait encore un carnet intitulé « Rapport de l'expérience ». De ce même côté avait été laissé un kit médical usagé ainsi que des pansements couverts de sang.

     

    Je me saisis du cahier et m'assis sur une chaise gisant contre le mur. Je commençais à lire.

     

    » Début des expériences et je suis toujours aussi peu certain de mes avancées. Julie assure que nous sommes sur la bonne voie mais j'ai des doutes. Ne serait-il pas plus sûr de pousser notre expérience avant de la tester sur des humains ? La SP nous met autant de cobayes à disposition que nous le souhaitons mais je ne suis pas à l'aise à l'idée d'en sacrifier. Ce projet pour conserver les sujets est fou. Nul doute qu'ils ont d'autres objectifs derrière.

     

    Le début datait. C'était même assez vieux. Peut-être que sur le rapport dactylographié, la dernière phrase avait été rajoutée dans ces dernières années, peut-être cinq ans. Donc ce projet avait été en cours depuis longtemps mais ce n'était pas la même personne qui l'avait effectuée sur Ellie et Tyan. Non. Ces expériences-là dataient d'il y avait 18 ans.

     

    » Pas mal d'expériences ont été effectuées et il y a eu beaucoup de victimes. Peut- être approchons- nous de la fin ? Il y a seulement quelques changements positifs mais, parfois, cela engendre ces espèces de monstres. Ni vivants, ni morts, ils déambulent sans but. On a essayé de les confiner mais impossible ; ils n'obéissent à rien ni personne, ce sont des coquilles vides. Et je crois bien que, malgré tout le tort qu'on leur a causé, on ne puisse rien faire pour les sauver.

     

    Une émotion particulière se dégageait de ces lignes. Elles puaient le désespoir. Le désarroi aussi. Ils n'arrivaient pas à endiguer le flot qu'ils créaient. C'était sûrement pourquoi les fantômes avaient envahi le laboratoire, la base, et qu'ils l'avaient condamnée.

     

    » Une catastrophe s'est produite aujourd'hui. Alors que le patient était en train de tourner en l'un de ces monstres après d'aussi bons résultats, Julie s'est jetée dessus pour tenter de le sauver. C'était vain. Elle s'est retrouvée transpercée par ses griffes. Sa plaie est à l'abdomen, elle est conséquente. J'ai peur qu'elle n'y survive pas et me laisser seul. Sa blessure la fait délirer. Vu le peu de personnes resté à la base, cela va s'avérer dur de trouver un médecin. Tout le monde migre vers le nouveau bâtiment mais nous, nous sommes condamnés à rester ici jusqu'à la fin du projet. On ne va pas y survivre.

     

    C'était morbide et horrible. Il ne croyait même pas qu'ils pouvaient s'en sortir ? Le poids des victimes semblait leur peser lourd sur la conscience aussi. Il ne me restait que la dernière page à lire. L'écriture y était plus sale, informe, précipitée.

     

    » Nous avons finalement réussi. C'est le 133ème et dernier essai. Mais c'en est aussi fini de nous. La plaie de Julie s'est rouverte et la mienne est aussi grave. Si le dernier était une réussite certaine, celui d'avant était un désastre. Je me demande même comment nous avons pu y survivre ou faire une autre opération dans la journée. Maintenant c'est la fin. Je m'en veux d'avoir fait Zane assister à tout ça et devoir partir avec les résultats. Il n'a que douze ans et doit porter une telle responsabilité, j'espère qu'il saura quoi faire de nos recherches. Je crois bien qu'on lui manquera. Le laboratoire ferme ses portes et nous sommes les derniers à l'intérieur. Nous étions condamnés dès le départ.

    » Plutarc s'éteint à côté de moi et je ne peux rien y faire. Moi- même, je sens que je n'en ai plus pour très longtemps. Un peu plus que lui je suppose. Je me dois d'écrire quelques dernières paroles, bien que j'ignore si ce carnet sera trouvé un jour et par qui. Mes premières pensées sont pour Nathan et Maelys, nos deux jumeaux que la SP nous a enlevé dès leur naissance. Ils auront probablement une triste vie, j'en suis désolée. Ils me manquent. Et, sinon, la seule autre personne à qui je peux penser est notre premier enfant. Il sera sûrement en sécurité, j'ai bon espoir qu'il nous trouve mais Jess reste très jeune. Il se pourrait que son souvenir de nous disparaisse. Après tout ce que nous avons fait, je crois que notre décision de cacher son existence était l'une des meilleurs. Notre miracle … nos miracles … dommage qu'on ne puisse plus les protég

     

    Le livre s'arrêtait là, ne laissant aucun doute sur ce qui était arrivé à son auteur. Deux lettres succédaient, une pour Jess Toneski et l'autre pour Nathan et Maelys Toneski. J'avais donc le manuscrit des parents de Jess et des jumeaux que je supposai facilement être Kuro et Shiro.

     

    Eux-deux qui avaient été arrachés tellement tôt à leurs parents qu'ils avaient eu à croire les mensonges des scientifiques. « Ils étaient nés dans des incubateurs. » Je ramassai le manuscrit et le fourrai dans la poche accrochée à ma cuisse.

     

    En me relevant, j'entendis un gémissement étouffé et le bruit de quelqu'un qui s'effondrait. Ce n'était pas un fantôme. J'ouvris la porte et me précipitai dehors, terrifiée que ce soit Alex qui ait été blessé et me retrouvai face à … Tania.

     

    - Qu'est-ce que tu fais ici ? Dit-elle avec aisance malgré la souffrance qu'elle semblait éprouver.

    - Je suis ici pour récupérer les noyaux d'âme de mes amis.

    - Oh … tu es au courant ? Zane avait raison, cet endroit est terrifiant.

    - Et toi, pourquoi t'es là ?

     

    Elle ouvrit la bouche pour répondre mais ce fut un autre gémissement qui en sortit à la place. Sa main droite se releva enfin pour dévoiler ce qu'elle cachait : une plaie plutôt conséquente à la côte.

     

    - Pour la même chose que toi.

    - Je ne te laisserai pas les avoir.

    - Tu crois vraiment que je suis en état ? Dommage, j'étais proche du but. Je ne sais même pas pourquoi je m'y accroche autant alors que ç'aurait dû être Zane. Ça me … ressemble pas.

     

    Tania lâcha un soupir dépité. Son haut était imbibé de sang. Elle allait mourir si ça continuait et, au lieu de me sentir soulagée, je me sentais mal. Cela m'agaçait. Mais n'était- ce pas normal de ne vouloir laisser quelqu'un mourir ?

     

    - Alors pourquoi es-tu venue à sa place ? Et de ce côté ?

    - Il n'a pas voulu le faire. Mais s'il n'accomplit pas sa mission … Quelque chose s'est passé quand il était jeune et je voulais savoir quoi. Voilà la raison de ma présence.

     

    Elle se releva difficilement en prenant appui contre le mur avant de fixer la plaque de la cabine dont je venais de sortir.

     

    - Alors tu dois savoir ce qui s'est passé si tu en sors. Julie Toneski et Plutarc Nonymac … Junon et Pluton … « Ceux qui restent dans mon cœur malgré le manque de souvenirs ».

    - Pardon ?

    - En sortant d'ici et si tu suis un itinéraire précis, tu arrives dans une clairière avec une statue en son centre et une tombe à ses pieds. C'est son épitaphe. Elle est toujours fleurie peu importe quand j'y passe.

     

    Une clairière ? Bizarre que je ne sois jamais dessus vu le nombre de fois où j'avais fait cette forêt de long en large en travers.

     

    Cette histoire de fleurs me perturbait car elles étaient sûrement déposées par celle ou celui qui avait construit le monument. Était-ce Jess ? L'épitaphe m'y faisait penser cependant je ne savais pas où il avait grandi après la mort de ses parents.

     

    D'aussi loin que je me souvienne, il avait toujours été dans le Clan. Trois ans … c'était jeune pour se souvenir de tout. Quelqu'un l'avait mis au courant ?

     

    - On nous a souvent raconté l'histoire de Junon et Pluton, deux scientifiques qui s'étaient sacrifiés pour le bien d'un. Zane n'a jamais été d'accord. Pour lui, c'est la SP qui les a tués.

    - Pourquoi tu me racontes cela ?

    - Qui sait ? … peut- être que c'est la mort qui me fait parler ? Ou que j'en ai simplement marre de battre ?

     

    La discussion m'avait fait oublier sa blessure. Alors que j'approchai ma main de la plaie, j'éprouvai une sensation étrange. Ma magie était inefficace. Je réessayai mais rien. Je relevai la tête avec surprise en l'entendant rire.

     

    - Lana … c'est une blessure faite par un de ces monstres, tu ne peux rien y faire.

    - Ce qui veut dire que-

    - Tania !

     

    Zane arriva en courant vers nous. Il ne portait pas son manteau flamboyant de lieutenant, ce qui me surprit un peu. En regardant bien, la blessée n'en portait pas non plus. Cela leur donnait un air beaucoup plus vulnérable.

     

    - Tu es folle d'être venue ici ! Je ne veux pas faire cette mission, ça ne te regarde pas.

    - Bien sûr que si, je ne suis pas aveugle. La SP va te faire du mal si tu ne la fais pas. Elle le fait à tous ceux qui lui désobéissent, lieutenant ou pas.

    - On s'en fout. Rien … rien n'a de sens si tu n'es pas là.

     

    Il la serra dans ses bras et elle lâcha un petit couinement de douleur. Le sang de la plaie avait à présent débordé jusqu'à se répandre sur le sol. La seule personne à avoir connu Julie et Plutarc était là, il était le seul moyen d'en savoir plus.

     

    - Trop peu de temps a passé sans que je ne songe à t'en parler mais je n'ai jamais eu personne, c'était la première fois que … il y avait-

     

    Tania se tut brutalement.

    Ses yeux se fermèrent et tout son corps vacilla en arrière. Zane la rattrapa juste avant qu’elle ne s’effondre. Il semblait figé entre la panique et l’horreur lorsqu’il découvrit sa blessure.

     

    Je tâtai son pouls. Faible mais bien présent. L’anémie avait dû être trop forte. Il fallait que j’arrête le saignement mais comment y faire face sans mes pouvoirs ? Était-ce impossible de faire quelque chose ?

     

    Non … S’il y avait au moins 1% de chance d’y arriver. Je réussirai. Je voulais y croire.

     

    - Zane. Raconte- moi l’intégralité de ce qui s’est passé avec Pluton et Junon.

    - Je … mais et Tania ? On doit la sauver !

     

    Je soupirai alors que je l’ôtai de ses bras pour l’allonger sur le sol. Je remontai son haut pour voir précisément la griffure laissée. Deux traits marquaient sa peau. Elle en garderait sûrement des cicatrices.

     

    - Je vais m’en occuper alors parle.

     

    Il hésita un instant, indécis, avant d’acquiescer. Mes mains se mirent à briller au- dessus de sa plaie. C’était comme si je n’arrivais pas à atteindre la blessure. Je devais plus loin, voir au- delà de la coupure où je n’allais pas y arriver.

     

    - J’ai été abandonné assez tôt à la SP. Dès lors, je ne leur étais pas très utile. J’étais trop jeune et pas assez expérimenté pour faire des missions.

     

    Il prit une longue respiration, le regard dans la vague, nostalgique, avant de poursuivre son récit.

     

    - Un jour, j’ai rencontré par hasard Plutarc. Il était très gentil avec moi et a fini par me proposer de les assister, Julie et lui, dans leur projet.

     

    Je résistai encore et encore contre la barrière. Le processus était fatiguant, la voix de Zane m’aidait à me maintenir. Le soulagement me prit lorsque je vis que le saignement s’atténuait. J’y étais presque.

     

    - Je savais que c’était dangereux mais c’était là où je voulais être. La dernière expérience s’est déroulée et ils sont morts. Je savais où était Jess alors j’ai profité du changement de base pour le sortir de là. Je lui ai laissé une photo, un plan et un message.

    - Le plan pour mener où ?

    - À la tombe de ses parents.

     

    Il sourit pensivement. Le sang était en train de se résorber entièrement. Bien sûr, je ne pouvais effectuer une transfusion, je n’en avais pas les moyens.

     

    - Ils m’avaient laissé un mot alors j’ai récupéré leurs corps et je les ais enterrés là où ils le voulaient. Je n’ai jamais revu Jess et n’ai rien pu faire pour Nathan et Maelys.

     

    La plaie s’était refermée. J’avais réussi. J’avais souhaité pouvoir le faire et l’avais fait. Rien de plus. Le teint de Tania était toujours aussi pâle mais elle était à présent hors de danger.

     

    - Prends-la et dépêchez-vous de sortir, je ne sais combien de temps cela va durer.

    - Lana je … merci. Pour Imperaeau et Imperaair, si tu veux qu’ils retrouvent leurs noyaux d’âme, il faut que tu le fasses manuellement. Surtout pas par le biais de quelqu’un d’autre !


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