• Deux ans et quelques mois plus tôt...

     

    Je m'asseyais nonchalamment à mon bureau, regardant le plafond. C'était si ennuyeux. Tout le monde ou presque était parti en mission et j'étais seule. Kagami était déjà parti en Amérique. Et Ellie et Tyan...Alex...

     

    Je ravalais un sanglot. Après tout ce temps, pleurer encore était inutile. Je pouvais sauver Alex, il n'était pas trop tard. Il ne restait que lui et j'allais le retrouver, j'en étais sûre.

     

    Dire que cela faisait cinq ans que je possédais ce qu'ils cherchaient, c'était amusant en quelque sorte mais je ne savais pas, et n'avais pas trouvé, le moyen de l'utiliser, d'utiliser l'Ombre- Lumière. Ridicule quand même !

     

    S’il exauçait réellement les vœux, je n'en avais qu'un seul : ramener Ellie et Tyan à la vie.

     

    - Hey ! Alors, Lana ? Ouh. Toi ça ne va pas fort hein ?

    - Je vais bien Kal', ce n'est rien.

    - Tu...pleures ?

     

    Alors que je touchais mes joues, je remarquais que, effectivement, je m'étais encore mises à verser des larmes sans même y penser. J'essayais de me rassurer, de rester forte et pourtant j'étais si...faible ! Je n'arrivais même pas à les arrêter.

     

    J'avais honte de moi-même mais mes amis me manquaient tellement ! Tous ceux de l'Association et du Clan me détestaient, je n'avais plus nulle part où aller à part ici.

     

    Une pression me fit revenir à la réalité et, en un clin d’œil, je me retrouvais dans les bras de Kalen. Cela me fait bizarre car c'était mon ami après tout mais je lui étais reconnaissante de vouloir me réconforter.

     

    - Lana, tout le monde a besoin de toi.

    - Je suis désolée. J'ai fait tellement de choses...pourquoi vous me suivez ?

    - Tu es la seule personne qui nous a donné une chance alors que le monde nous avait abandonné. Peu importe où tu iras et ce que tu feras, on te suivra. Je sais bien pourquoi tu es ainsi. Cela a un rapport avec eux...As-tu l'Ombre- Lumière ?

     

    Je me braquais soudainement ; comment connaissait-il l'existence de ce livre ? Et par-dessus tout, comment savait-il qu'il était en ma possession ? C'était étrange...mais il était aussi possible qu'il en ait déjà entendu parler. Dans ce cas, pourquoi me demander si je l'avais ?

     

    Peut-être que je me faisais des idées...mais comme rien n'était sûr en ce moment, je ne pouvais savoir si c'était le vrai Kalen en face de moi ou même s’il était sous influence. Je devrais avoir confiance en lui et pourtant, je ne peux m'empêcher de me méfier.

     

    - ...Non.

    - Ah, dommage. Peut-être aurait-il put les faire revenir. En tout cas, j'ai quand même trouvé ça si ça t'intéresse.

     

    Après une dernière tape sur mon épaule, il partit sans demander son reste. Sur mon bureau avait été déposé une feuille. Il y avait des calculs, des recherches, tout était d'une incroyable précision et clarté si bien que je compris tout et tout de suite. C'était d'une telle simplicité que, avant même de le réaliser, j'étais arrivée à la colline des ''Ruines d'Empire''.

     

    Il me fallait bien des choses. L'Ombre- Lumière tout d'abord ensuite quelque chose en lien avec les personnes, un cercle d'invocation, la formule et, bien entendu, le vœu.

     

    Je traçais rapidement le cercle, prenais le livre ainsi que la formule mais tout me semblait trop simple presque comme si j'étais...aidée. D'un coup, je me sentis manipulée par quelque chose ou quelqu'un.

     

    Je voulus arrêter mais l'espoir fou et inarrêtable de retrouver Tyan et Ellie fut plus fort que tout et, finalement, je complétais le rituel.

     

    Le cercle se mit à briller et tourner puis...plus rien. Tout s'arrêta.

     

    Le vent s'arrêta de souffler, le soleil s'arrêta de briller, le bruit même s'arrêta et ma respiration s'arrêta. Le temps s'était arrêté de filer pendant une période infime mais percevable. Puis repris son cours. Violemment.

     

    Je respirais difficilement et c'est alors que je le vis. Une chose noire, provenant des ténèbres mêmes, s'assembla en plusieurs silhouettes. Les unes après les autres, elles inclinaient la tête vers moi puis se retournaient et disparaissaient dans l'obscurité de la forêt de dessous.

     

    Sauf un.

     

    Le premier continua de me regarder jusqu'au moment où les autres eurent tous disparus. Absorbée par les silhouettes, je n'avais pas fait attention à lui ou même au fait qu'il avait pris de plus en plus apparence humaine jusqu'à devenir un garçon d'à peu près mon âge.

     

    Il était grand, les cheveux châtains très sombres voire noir en contraste avec ses yeux bleus- verts très clairs. Si, pendant l'apparition, je n'arrivais plus à bouger, maintenant que je retrouvais ma totale mobilité, je m'effondrai à bout de force, comme si j'avais lutté contre une force invisible.

     

    L'inconnu s'approcha de moi puis secoua la tête de gauche à droite d'un air pensif.

     

    - Tu n'aurais pas dû nous libérer. Nous sommes dangereux.

    - Je pensais que cela allait exaucer mon vœu. Pas libérer qui que ce soit. Qui êtes-vous ?

    - Mon nom est Lukas. Lukas Siergh. Ils sont les Chevaliers noirs. Ce sont des meurtriers de masse, ils étaient d'ailleurs réputés pour leur massacre avant qu'un sorcier puissant réussisse à nous enfermer dans le livre.

     

    Il poussa un soupir profond. Je le détaillais légèrement en tentant de me relever. Il ne s'était même pas compté parmi ces gens qui semblaient pourtant être siens...

     

    - Pourquoi me fournis-tu des informations ? Tu n'es pas avec eux ?

    - Ils ne m'ont jamais considéré comme l'un d'entre eux. Je sais qui tu es. Et je veux t'aider, j'ai entendu ton vœu. Mais je ne veux pas retourner dans ce livre...

     

    Sa voix tremblait plutôt violemment quand il me l'annonça et bien qu'il semblât vouloir garder la face, son regard était détourné, empli de douleur. Il avait l'air de me ressembler, là, à redouter son passé. Cela me fit sourire.

     

    - Soit, je ne te jugerais pas. Aide-moi et je t'aiderais en retour en t'empêchant de retourner dans ce livre.

    - Merci Lana.

     

    J'étais encore loin de me douter de ce que ce garçon cachait. Ou peut- être étais- je trop naïve. Oui. Naïve. Je préférais accorder une chance aux gens quitte à ce qu'ils me fassent du mal plutôt que de me méfier d'eux directement. Cela pouvait paraître idiot, je le savais.

     

    J'avais bien sûr des doutes, des soupçons, rien de concret. Toujours, je ne pouvais m'occuper de lui quand l'armée de ses confrères sévissait.

     

    Ils passaient dans des villages, jamais aucune ville, juste des bleds paumés au milieu de la campagne, et semblaient suivre un itinéraire précis que je n'arrivais pas à comprendre. À mon arrivée sur les lieux, ils étaient déjà partis, ne laissant plus que décombres et ruines derrière eux.

     

    Les habitants disparaissaient, étaient tués ou gravement blessés. Il n'y avait presque personne de totalement sauf. Les informations à la télévision, aux journaux et aux radios commençaient à circuler et beaucoup de détenteurs s'étaient mis à la recherche de ce fameux groupe pour le vaincre mais personne ne les trouvait.

     

    Au fur et à mesure que les attaques se propageaient, la culpabilité me rongeait. J'avais mis des centaines de gens en danger par mon égoïsme et mon désir de vouloir retrouver deux personnes. De plus, j'avais échoué.

     

    Je savais que c'était à moi de tout arrêter. C'était moi qui avait l'Ombre- Lumière et c'était moi qui avait lancé le sort.

     

    Mes recherches se portèrent étrangement sur l'ancien laboratoire que j'avais quitté il y avait longtemps. Ce lieu où ma vie d'expériences s'était arrêtée, où j'avais explosé telle une bombe. Mon jour.

     

    Il y avait, sur le sol, des ordinateurs abîmés mais qui semblaient fonctionnels, des tables d'opérations, des scalpels et divers autres outils, des incubateurs...Tout était à l'abandon.

     

    Je m'arrêtais néanmoins devant l'un des ordinateurs allumés. Après quelques recherches dans la base de données, je réussi à trouver quelque chose.

     

    Chevaliers noirs

    (Type : Apparition de deuxième génération)

     

    Ces êtres surnaturels sont apparus lors de l'expérience AB2x de deuxième génération. Le but codex IMP fut, évidemment, un échec mais cela provoqua leur sortie. Nous les avons interrogés et ils se sont révélés être une population (entité) maléfique vieille depuis plus de 400 ans. Revenant lors d'invocations ou de rituels, ils sèment le chaos dans des petits villages pendant 10 jours avant de s'attaquer aux grandes villes à l'aide d'une force noire obtenue grâce aux sacrifices précédents. Plus les morts sont nombreux, plus leur puissance augmente. Pour être quasiment invincibles, ils rentrent d'abord en contact par le biais ''pacifiste'' qui va essayer d'amadouer l'invocateur pour finalement le tuer au bout de plusieurs jours. Généralement deux ou trois suffise pour qu'il se décide à le/la poignarder. En faisant cela, ils évitent pratiquement le fait de pouvoir être arrêtés car seul l'origine peut les renvoyer d'où ils viennent.

    Pour cela, il faut que le moyen (livre ou autre) détruise la pierre d'appel du général, bien sûr, cela doit être fait par celui qui les a menés dans ce monde où un qui y a assisté.

     

    Méfiez- vous d'eux car ils possèdent des pouvoirs psychiques anormalement puissants et influents.

     

    Note : Une personne autre a déjà réussi à les renvoyer d'où il venait. Un mage ancien très puissant. Aucun renseignement n'a été donné sur la personne.

     

    IO

     

    IO...L'unique IO. Le scientifique brillant, le seul qui prenait notre défense, qui n'avait qu'un seul objectif : sauver le monde. Et pourtant...pourtant il était attaché à nous un peu à la manière d'un parent. Il se sentait coupable de nous avoir arraché notre passé, si coupable, au- delà de la raison, et nous ne pouvions pas le comprendre, nous n'étions que des enfants...

     

    Je relevais les yeux, interrompant ma pensée, stupéfaite. J'avais à présent le moyen de tout finir. Cette note était porteuse d'une incroyable joie et d'une incroyable tristesse aussi. Lukas n'était donc pas sincère et me manipulait depuis le début. Il comptait me tuer.

     

    De par ce détail, je ne comprenais pas trop. J'étais trop stupide de vouloir encore croire qu'il était innocent ?

    Sûrement.

     

    Je rentrais chez moi où il m'attendait. Je ne lui dis rien sur mes nouvelles informations. J'étais trop choquée.

     

    La nuit, alors que je nageais en plein cauchemar, je sentis un poids un peu lourd sur mon bassin et un souffle chaud contre mon visage ainsi que...qu'un maintien froid et peu agréable d'un objet contre ma gorge.

     

    Mes yeux s'ouvraient brusquement et rencontraient ceux de Lukas juste au- dessus de moi. Ils brillaient d'ailleurs un peu trop dans la pénombre pour qu'ils ne soient pas humides. Il maintenait un couteau contre mon cou mais semblait trembler un peu.

     

    Tristement, je le fixais, déçue de sa trahison. Il ne semblait pas non plus s'y donner à cœur joie et paraissait résigné. Résigné à me tuer.

     

    - Lukas. Alors c'était vrai. Tu n'es qu'un espion envoyé pour me tuer ?

    - Ça aurait été plus facile que tu ne te réveilles pas. Rit-il doucement, amer. Mais oui c'est cela. Je suis un traître ! Déteste-moi ! ...peut-être qu'au moins après t'avoir vu me haïr autant, je pourrais accomplir ma tâche.

    - Ta tâche ?! Ne me fais pas rire ! Je te laissais une chance de nouveau départ et tu la gaspilles ! Tu n'es pas obligé de retourner à leurs côtés.

     

    Je sentis sa prise se défaire légèrement mais juste assez. Je savais que je pouvais à présent me dégager de son emprise mais je n'en avais pas fini avec lui.

     

    - ...Tu n'arriveras pas à les battre.

    - Je peux.

    - J'ai envie d'y croire. Mais je n'ai pas envie que tu échoues comme la plupart.

    - Oh allez ! Tu crois que je suis comme ''la plupart'' ? Je croyais que tu me connaissais ? Que les jours passés ensemble t'avaient appris ?

    - Je sais beaucoup de choses à ton sujet. Imperater tu es...un espoir bien trop grand. Je devrais t'aider mais...

     

    Sa moue était désespérée, je ne pouvais que plonger mon regard dans le sien, sans détour. J'assumais mes propos, j'étais confiante à propos d'eux et, en voyant le doute dans ses yeux, je savais qu'ils étaient justes.

     

    - Tu es bien un membre des chevaliers noirs ? Alors pourquoi ils t'effraient autant ? Pourquoi tu restes avec eux ? Lukas...

    - Je veux venir avec toi. Mais si je suis entraîné dans le livre...

    - La trahison mais ce n'est pas tout. Que t'ont-ils fait ?

    - C'est quelque chose de famille. Nous sommes les seuls à pouvoir peut-être s'en sortir après tout. Notre tâche de pacifiste est reléguée de générations en générations. C'est un rôle important dans le groupe mais malgré ça et parce que certains les ont déjà trahis, on est mal vus. Surtout...

     

    Il se recula, se mit debout, juste sous la faible clarté de la lune et alors il défit sa chemise. La stupéfaction me prit quand je vis les marques et les coups, les cicatrices et les brûlures. Au milieu de tout ça, il y avait un emblème gravé au fer rouge dans son dos.

     

    Son corps présentait des marques plus ou moins vieilles témoignant le fait qu'il les ait reçus dès son plus jeune âge. Au moment où j'effleurais la gravure, il sursauta comme si je l'avais brûlé et se retira, se rhabillant par la même occasion.

     

    - Et encore, j'ai été chanceux. Reprit-il avec une certaine ironie. Je n'ai pas subi le pire. Je n'ai pas eu ce genre de torture ou n'ait rien perdu.

    - On va faire comme ça. Tu as une chance de te libérer de ton passer en venant avec moi et en les combattant. Mais tu peux aussi refuser et essayer de me tuer maintenant.

    - ...Tu es trop gentille. De toute manière, je vais te suivre. Et te donner ça. C'est un papier de rappel, si je me fais aspirer avec eux, utilise-le pour me faire revenir, je compte sur toi.

    - Compris.

     

    Il commença à avancer vers la sortie de ma chambre d'un pas assuré, presque comme s’il ne venait pas de me dévoiler le lourd secret qui pesait sur son existence. Juste avant de franchir celle-ci, il se retourna une fois, en plongeant son regard outremer dans le mien, il murmura :

     

    - L'échec est évident quand la vérité est voilée.

     

    Puis il me laissa là, dans l'incompréhension la plus totale et pourtant, elle s’immisça dans mes pensées et me coûta quelques heures de sommeil.

     

    Mais le lendemain, je ne ressentais pas la fatigue ou l'angoisse, juste la résolution de mettre fin à cette histoire. Et, bien vite, Lukas me conduisit à leur camp. Il m'épaulait et surveillait mes arrières, je me sentais plus en sécurité avec lui.

     

    Le campement était austère, sobre, digne de nomades. Un inconnu passant par-là aurait très bien pu se dire que c'était des gens faisant du camping. Un trompe- l’œil évidemment. Et pourtant, j'aurais pu me faire duper aussi si une étrange sensation ne se dégageait pas du lieu.

     

    Plusieurs tantes attiraient mon regard et je commençais à me demander laquelle serait notre destination finale quand mon coéquipier me prit le bras et m'entraîna vers une autre partie plus isolée, vers deux statues assez singulières.

     

    Notre avancée fut bien vite interrompue par deux chevaliers. Le premier fut si rapide qu'il m'envoya un sort sans que j'eusse le temps de réagir. Cela me coupa durement le souffle et une douleur jaillit dans mon ventre qui se couvrit alors de sang. Je chancelais un instant.

     

    - Lana... ! Je te l'avais dit ! Rebrousse chemin et fuis ! Je te protégerais. S'exclama Lukas partagé entre la panique, l'inquiétude et la résignation.

    - Jamais.

     

    Aussitôt, je me stabilisais. Je ne pouvais pas abandonner maintenant et prendre le risque de laisser filer ma chance et mettre en danger Lukas. Je devais activer un sceau, il le fallait.

     

    Je sentis une onde d'énergie envahir mon corps et un sourire se dessina sur mon visage, quelque part, l'Impereur en moi m'aidait. Les sceaux de la Terre étaient là, prêts à me servir.

     

    - « Imperater », [Premier sceau, L'EDEN]

     

    Deux cercles apparurent au- dessus de leurs têtes, deux blancs. Ils les aspirèrent sans un bruit avant de disparaître à leurs tours. Je me surpris à n'éprouver aucun regret malgré ce que je venais de faire.

     

    - Ils sont... ?

    - Morts. Je viens de les tuer. J'aurais pu les laisser en vie mais ils avaient fait assez de victimes à mon goût. Ce pouvoir, je ne suis pas censée l'utiliser. Le premier des quatre sceaux.

     

    Il me fixa un instant, interdit, avant de hocher la tête avec compréhension mais sans arrêter de me regarder comme si je lui semblais un peu étrangère. Je le suivis dans le passage où je n'eus pas de mal à me débarrasser des chevaliers.

     

    Puis on arriva à la pierre. Elle reposait sur un piédestal au centre de la pièce. C'était un magnifique rubis et l'agencement entier de la salle était fait pour le mettre en valeur. Je fus quelques instants absorbée par la contemplation du bijou avant de me ressaisir.

     

    - Lana, je ne devrais pas être ici.

     

    Sa voix prit des accents désespérés quand il prononça cette phrase. Je devais me dépêcher... Je saisis alors l'Ombre- Lumière, prête à l'abattre pour écraser le diamant en morceaux.

     

    Mais une main tira mon bras en arrière.

    Surprise, je regardais Lukas, car c'était bien lui qui m'avait repoussée. Ses yeux avaient viré en un rouge éclatant, pareil à celui de la pierre et son visage abordait à présent un rictus méprisant.

     

    - Tu n'y toucheras pas.

     

    D'un geste, il me projeta contre le mur sans que je ne puisse rien faire. Il était, de toute évidence, sous le contrôle total du diamant. Il tenta de m'arracher le livre des mains. Je le repoussais avec difficulté avant de me jeter vers le bijou. Avec le choc, il tomba à terre, sans une fissure.

     

    Je me rapprochais d'elle avant de me faire interrompre à nouveau par Lukas qui, cette fois, me projeta à terre avant de m'immobiliser et de poser une lame froide sous mon cou.

     

    Le contact froid et tranchant m'arracha une grimace. Je sentais une légère coupure se former à l'appui du couteau mais je ne pouvais rien faire pour me libérer. Son genou appuyé contre mes jambes et sa deuxième main bloquait mes bras, empêchant tout mouvement de ma part.

     

    La pression sur mon cou devenait de plus en plus profonde. Était- ce la fin ? Je ne voulais pas, je ne pouvais pas maintenant ! Mon dernier espoir, ma dernière chance...

     

    - Lukas, Lukas ! Réussissais-je à dire, désespérément.

     

    Ses yeux bleus me fixèrent juste avant qu'il ne se recule et prenne sa tête entre ses mains, se battant contre l'emprise du rubis. Au milieu de son combat, il me lança un regard.

     

    Je savais bien ce que je devais faire.

    J'abattis de toutes mes forces le manuscrit sur le diamant. Et la formule était... ? J'ouvris le livre et m'empressais de relire mon écriture tremblante.

     

    Le temps s'arrêta à nouveau. Je ne pouvais plus bouger.

     

    Soudain, un point apparut au-dessus de la pierre, provoquant une onde de choc. Elle me transperça. Puis une deuxième se propagea, plus rapide. Cela allait de plus en plus vite et ressemblait étrangement à...mes battements de cœur ?

     

    Un rayon s'éleva au- dessus de la boule, détruisant le plafond de la tente, et tout reprit alors son court aussi violemment que la dernière fois. Je m'effondrai encore, sujet à de violents étourdissements.

    Je mis quelques instants avant de reprendre mes esprits et de me retourner vers Lukas, un sourire aux lèvres.

     

    - Tu as vu ça Lukas ?! On a réus- ...Lukas ?

     

    Il se tenait debout devant moi, exactement comme le jour de notre rencontre. Rien n'avait vraiment changé depuis, il s'était écoulé à peine quelques jours et pourtant, je m'étais habituée à cette personne, à sa compagnie. On était devenus amis, bien que cela peut sembler idiot de s'attacher en si peu de temps, je l'avais fait. Il avait effacé cette solitude un peu trop présente dans mon quotidien.

     

    Il me sourit tristement. Sa peau était translucide et s'effaçait petit à petit tout comme le décor. Il disparaissait ! Il était aspiré par le livre. À nouveau, il secoua la tête d'un air pensif avant de se pencher vers moi.

     

    - Bravo Lana ! Tu as sauvé le monde du danger qui le guettait !

    - Lukas ?! Attends, je ne comprends pas ! Pourquoi tu...je croyais que tu ne serais pas atteint ? Tu m'avais dit que-

    - J'ai menti. Excuse-moi. Tu ne l'aurais pas fait sinon. Tu sais, tu ne peux pas toujours sauver tout le monde. Il faut faire des sacrifices parfois. Je suis content, fier de voir que le destin du monde est entre tes mains.

     

    Il me fit un sourire désolé. Je me relevais durement pour le serrer dans mes bras et ne rencontrais rien d'autre que du vide.

     

    Un affreux vide qui m'entourait et me laissait à nouveau seule, qui envahissait mon cœur et l'étouffait par son trop- plein d'émotions. Un vide faisant, en cet instant, couler des larmes sur mes joues.

     

    Je revivais la perte d'Ellie et de Tyan à travers la sienne. À chaque fois, je me retrouvais séparée de ceux que j'aimais. À chaque fois, c'était ma faute.

     

    Un souvenir me revint en mémoire et, avec frénésie, je dépliais le papier donné plus tôt, dans l'espoir d'y voir une solution, une aide.

     

    « Je suis heureux de t'avoir rencontré, d'avoir partagé ces moments avec moi. Tu m'as cru plus que je ne l'ai jamais été par quiconque, j'ai trouvé en toi ce que je n'avais jamais eu : une amie. Désolé, je t'ai encore sûrement menti en te disant que c'était une solution ''au cas où'', non, il n'y a pas de solution pour moi. Ma route s'achève ici. Je ne le regrette pas. Sois heureuse et ne perds jamais de vue tes objectifs.

    Merci pour tout. »

     

    Mes sanglots redoublèrent. Le froid me saisissait. Il n'y avait plus rien, je restais là alors que les dernières parcelles du village s'évaporaient tel un rêve.

     

    L'Ombre- Lumière était posé là, à mes côtés, dans l'herbe. Il semblait presque me fixer, se moquer de moi...Un élan de rage me vint et je poussais un cri désespéré. Ce livre...était censé exaucer les vœux ?! Vraiment ? Alors pourquoi... ? Pourquoi apportait-il tant de malheur ?

     

    Et tous ces gens sacrifiés par la seule chose qui s'était échappée du livre ? Ces victimes ? Ces pertes à pleurer ?

     

    - Pourquoi ?! Pourquoi es-tu porteur d'autant de malheur ? N’es-tu pas censé exaucer les vœux ? N'est-ce pas ce pourquoi tu as été convoité et a déclenché des guerres ? Alors pourquoi...

     

    Ma gorge se bloqua. Ma vision était floue, remplie de larmes, je les essuyais rageusement. J'étais si...faible ! Je ne pouvais rien faire pour lui ?

     

    ...UN AUTRE VOEU...UNE COMPENSATION...

     

    - Vraiment ? Est-ce...Je t'en prie, sauve Lukas de cette malédiction, ramène-le ! Je souhaite qu'il soit libéré, qu'il revienne en ce monde ! ...Alors, s'il-te-plaît exauce mon vœu.

     

    Le livre brilla un instant d'une vive lueur bleue mais rien ne se passa. Rien du tout. Je m'effondrai juste au milieu de la prairie, maintenant vide, exténuée et triste à en mourir.

     

    Quand je repris connaissance, j'étais contre un dos chaud, quelqu'un me portait mais...qui ? Était- ce un allié ? Des cheveux bruns aux reflets blonds et cette silhouette, ce confort familier...c'était sans aucun doute Kalen.

     

    - Tu es réveillée Lana ? Je t'ai trouvée ici en allant en ville alors je te ramène à l'Empire. Tu as fait du bon travail.

     

    Ses mots emplis de douceur me réchauffèrent un peu le cœur. Me laissant bercer par les sons des pas et la chaleur de son dos, je m'endormis à nouveau.


    votre commentaire
  • Quand j'y repensais, tout me semblait étrange dans le fait que Kalen m'ait trouvée. Et maintenant, ça prenait de moins en moins de sens. Passer par la clairière faisait faire un bon détour.

     

    Et le fichier. Si je me souvenais bien, le fichier décrivait le type de pouvoirs qu'avait Lukas. C'était des pouvoirs psychiques. Il pouvait sûrement manipuler l'esprit des gens alors ?

     

    Cela expliquait aussi pourquoi j'avais eu l'impression qu'il était la personne qui m'avait ramenée à la base ; parce qu'il l'était vraiment.

     

    Pourquoi ne s’était-il pas montré ? Ne m'avait pas dit qui il était ?

     

    ...Quoique.

     

    Il n'avait aucune raison de me le dire. Après tout, notre engagement stipulait qu'il serait libre après que l'on ait réussi. Peut- être ne voulait-il juste plus me voir.

     

    Une telle pensée me tordait douloureusement l'estomac mais c'était l'idée la plus cohérente qui me venait à l'esprit. D'ailleurs, elle pouvait tout expliquer sauf un point.

     

    Pourquoi sous la forme de Kalen ?

     

    Qu’était-il arrivé au vrai ? Et s’il ne voulait plus me voir alors pourquoi devenir une personne qui était constamment à mes côtés ?

     

    Est- ce que je me faisais des idées ? Ou est- ce que le livre avait réellement exaucé mon vœu le concernant ? L'avoir de retour avec nous serait un réel avantage au vu de ses capacités...Surtout si j'avais à sauver Ellie et Tyan.

     

    Bien sûr, je le voulais de retour parce que c'était mon ami. Parce que ça pouvait me faire du bien de voir que j'avais enfin réussi à sauver quelqu'un...

     

    Foncer tête baissée pour sauver Kuro et Shiro serait une très mauvaise idée. On n’avait pas de nouveau plan et avec la possibilité que le Destructeur soit encore là, ce pouvait être très dangereux.

     

    J'allais déjà commencer par vérifier si mes hypothèses étaient avérées.

     

    Je me levais du canapé sous le regard interrogatif d'Alex.

     

    - Je vais devoir aller trouver quelqu'un.

     

    Rapidement, il se leva à ma suite, me serra dans ses bras avant de se reculer, toujours avec la même vitesse et la même douceur, tout en gardant ses mains sur mes épaules.

     

    - Je suppose que tu ne veux pas que je t'accompagne ?

    - Eh bien...

     

    Ma voix vacillait alors que j'hésitais un peu. Je pesais le pour et le contre.

     

    - Il ne vaut mieux pas.

    - D'accord, prends soin de toi.

     

    Sa main se posa sur ma joue et il me regarda d'un air étrangement intense pendant un instant avant de se retourner et de partir d'un pas pressé. Je soupirais. C'était quoi ce regard exactement ? Cela m'ennuyait plutôt.

     

    Je calmais un peu les rougeurs qui s'étaient étalées sur mes joues avant de chercher Carole. Elle fut surprise de me voir mais heureuse que j'aille bien.

     

    - Aurais-tu vu Kalen ?

    - Non. Il doit être à l'Empire ou autre part.

    - Ah ! Merci.

     

    La clairière où tout s'était produit fusa dans mon esprit. Sans m'en rendre vraiment compte, j'avais commencé à marcher vers.

     

    D'ailleurs, il se tenait debout au milieu, comme s’il avait déjà prévu que je vienne ici. Il se retourna vers moi, un sourire triste sur le visage.

     

    Moi- même, je ne savais pas s’il était vraiment celui que je cherchais. Mais, en le voyant de nouveau, je sus que mon instinct avait été juste, que c'était Lukas. J'en avais les larmes aux yeux. Et cela faisait si longtemps que je ne l'avais pas vu, pensais l'avoir perdu...

     

    - Lana ... Tu l'as découvert ?

    - Oui.

     

    Aussitôt, il m'apparut réellement. De ses cheveux bruns sombres à ses yeux à présent d'un bleu clair limpide, il était là. Ses traits n'étaient plus aussi tirés, soucieux, qu'avant. Il avait eu le temps de se réparer, de se reposer, loin de son passé.

     

    J'étais si heureuse, émue. Je ne pus rien faire à part le serrer dans mes bas. Je mouillais son cou avec mes larmes et ça me faisait tellement plaisir de le revoir. Il était comme revenu des morts.

     

    - Hey, doucement, et désolé d'avoir disparu.

    - Comment as-tu ?

     

    Il poussa un long soupir avant de se retirer juste légèrement pour observer mon visage. Son regard se perdit dans le vide.

     

    - Avant même de sortir du livre, j'étais déjà à tes côtés. Sous les traits de ''Kalen'', je vivais une autre vie. Lui s'était déjà éteint depuis longtemps. Quand j'ai été renvoyé avec eux, ils ont voulu me tuer. Alors...j'ai entendu une voix, ta voix, qui souhaitait mon retour. Je suis réapparu ici mais je ne me sentais pas en droit de te revoir.

    - Pourquoi ?

    - Je t'ai trahie, blessée et tout le mal que je t'ai fait...

    - Pourquoi vous avez tous le même discours ? Je m'en fiche ! Juste, ouais, bon retour Lukas.

     

    Je le serrais une fois de plus dans mes bras et, cette fois, l'étreinte me fut rendue. Bien sûr, j'avais « perdu » Kalen d'une manière ou d'une autre mais lui et Lukas ne faisant qu'un... Rien n'avait réellement disparu, c'était la même personne que j'avais côtoyée toutes ces années.

     

    Dans un éclair de lucidité, je me souvenais l'autre raison qui faisait ma présence ici.

     

    - À quoi se limite ta capacité ?

    - Pardon ?

    - J'aurais besoin de ton aide. Ta capacité pourrait-elle te permettre de libérer des âmes ?

     

    Un flash passa dans ses yeux, j'eus l'impression d'un sourire flottant sur ses lèvres mais il fut si bref que je ne sus pas si c'était réel ou une simple illusion de ma part.

     

    - Pour être franc, je ne sais pas. Mais je serais ravi de t'aider.

    - Merci. On devrait retourner à la base ?

    - Oui. Ah ! Pour les autres, je n'ai pas encore dissipé mon illusion et reste « Kalen », n'en sois pas surprise.

     

    Je souris, compréhensive, avant que l'on ne se mette en route. Il fallait que je le présente à Alex, c'était sûr. Par contre, je n'avais aucune idée d'où il était.

     

    On fit la moitié des salles sans le trouver et une appréhension sourde me prit. Je ne pouvais jamais rester tranquille. J'avais tellement peur qu'il lui soit arrivé quelque chose, encore. Après tout ce qu'il avait déjà traversé, cette pensée m'était insupportable.

     

    Cette angoisse, Lukas dût le sentir car il posa une main réconfortante sur mon épaule.

     

    - On va le retrouver, ne t'en fais pas.

     

    J'acquiesçais sans répondre. On entra dans un autre salon, le 16, qu'il me semblait avoir déjà visité. Pourtant, il était là, allongé sur un des canapés. Il était un peu blessé, d'où cela pouvait provenir ? Il ne semblait pas de bonne humeur en tout cas.

     

    - Alex, voici Lukas ! ...Enfin ou Kalen, tu l'appelles comme tu veux. Il pourrait nous aider à sauver Ellie et Tyan.

    - D'accord.

     

    Ce manque d'enthousiasme me fit froncer les sourcils. Devais-je engager la conversation avec lui seul-à-seul ? Sûrement que cela serait mieux.

     

    Encore une fois, je n'eus besoin de dire quoique ce soit ; Lukas sortit de la pièce, nous laissant dans un silence inconfortable. Je m'approchais d'Alex et me mis face à lui.

     

    - Je vous ai vus tous les deux.

    - Tu m'as suivie ?!

    - Non. Je devais juste passer par là pour finir ce que je voulais faire.

     

    Finir ce qu'il voulait faire ? Qu'était- ce donc ? Et il nous avait vus ? Soudainement, je comprenais. Un rire franchit mes lèvres sans que je ne puisse l'en empêcher.

     

    - Tu es jaloux ?

    - Pas du tout.

     

    Malgré son affirmation, il détourna la tête et je vis apparaître un rougissement léger mais bien présent sur ses joues. Mon hypothèse confirmée, je me rapprochais davantage de lui.

     

    - Tu peux le dire, je comprendrais tu sais.

    - Je...Ce n'est pas...Il faut que je te le dise à nouveau, hein ?

    - De quoi tu- ?

     

    Je n'eus l'occasion de finir ma phrase. Déjà, il m'avait attirée à lui d'un geste expert et avait posé ses lèvres sur les miennes. C'était tendre, doux et familier. J'étais soulagée que notre relation revienne ce qu'elle avait été.

     

    - Je t'aime Lana.

    - Moi aussi. Ne sois vraiment pas jaloux de Lukas, ce n'est qu'un ami que j'étais contente de revoir.

    - Tu penses que ses pouvoirs pourraient défaire la folie des Impereurs ?

    - Je ne sais pas. Je l'espère.

     

    À nouveau le silence. J'allais me lever mais j'avais l'impression que la discussion n'était pas close, comme s’il lui restait quelque chose à dire.

     

    - Je n'arrive toujours pas à croire que je me sois dédié de nouveau à la SP, comment ai-je pu... ?

    - Ce n'est pas de ta faute, tu le sais aussi bien que moi. Ce qui est arrivé...rien de tout ça n'a été de ta faute. On a fait de notre mieux, c'est la SP et Demonic, ils sont toujours la cause.

     

    Décidé par mes propos, il se releva avant de me tirer par la main pour me mettre aussi debout et de déposer sur ma bouche un autre baiser plus rapide, léger, assuré.

     

    On sortit de la pièce où Lukas nous attendait. Je les laissais entre eux. Ce n'était pas comme si ça ne m’intéressait pas, je voulais juste leur laisser de la tranquillité. Au vu des rires qui s'échappaient de la conversation, ils semblaient bien s'entendre.

     

    - Lana !

    - Clara, tu vas bien ?

    - Oui. Et je tenais à m'excuser d'avoir douté de toi.

     

    Elle semblait plus penaude et morose que d'habitude. Elle devait se sentir coupable. J'avais presque oublié que cela comptait pour elle comme pour moi ; notre amitié.

     

    - Ce n'est pas grave. Je suis plutôt soulagée que tu ais à nouveau décidé de me parler ! Riais-je.

    - Je trouve que c'est la moindre des choses après que tu aies sauvé ma vie.

    - Mais je...ce n'était pas que pour toi. Tu n'as pas besoin de t'en sentir redevable.

    - Quand même ! C'est la deuxième fois. À l'avenir, si jamais tu as besoin de mes pouvoirs, je t'aiderais volontiers.

    - Merci à toi.

     

    Elle me répondit d'un hochement de tête avant de tourner les talons. Pendant ce laps de temps, la discussion s'était finie. Je me retournais vers eux et croisais leurs regards interrogatifs.

     

    - De quoi parliez-vous ?

    - Pas grand-chose. Vous vous êtes mis d'accord ?

    - Oui. Déclara Lukas calmement, un sourire amusé aux lèvres. J'ai promis de ne pas trop être tactile avec toi. Ça devrait t'éviter les crises de jalousie. Aussi, je lui ai dit que je n'interférerais pas dans sa vie amoureuse avec toi ni dans, ce qui me regarde encore moins, sa vie sexuelle.

     

    Son discours se finit dans une exclamation outrée d'Alex pendant que moi j'étais pris entre un violent fou-rire et une gêne. Finalement, ce qui m'étonna le plus, ce fut le rire de Lukas qui fusa aussitôt suivi par celui d'Alex. Je me laissais emporter. Je me sentais heureuse, légère, cela faisait si longtemps que je ne m'étais sentie ainsi !

     

    - Je suis heureux d'être à tes côtés, Lana. Me murmura Alex tendrement.

     

    Il me serra ensuite brièvement dans ses bras et une légère rougeur traversa mon visage. Je la chassais et soufflais. Que faire maintenant ? Il fallait sauver Kuro et Shiro mais aussi Ellie et Tyan. À nous quatre, nous aurions suffisamment de pouvoir pour sauver le monde et en finir avec le Destructeur.

     

    J'espérais juste que l'on puisse sauver Kagami, ce qui n'était franchement pas gagné. Était-il encore vivant ? Conscient ? Absolument rien ne le garantissait et ça m'effrayait.

    Il m'avait sortie de ma déprime, je voulais le sortir des ténèbres.

     

    - Je ne crois pas que nous obtiendrons l'aide de l'Alliance. Aucun des captifs ne fait officiellement partie de leurs associations. En plus, avec les pertes déjà subies...

    - Mon Empire suivra le tien.

    - Tu l'as retrouvé ?

    - Je n'étais vraiment pas parti dans le but de t'espionner !

     

    À la base, « l'Empire » n'était qu'en un seul morceau dirigé par nous quatre. Avec notre séparation, il s'est divisé, les membres suivant leur chef respectif ou la personne qu'ils respectaient le plus.

     

    Chacun avait été un peu près actif, dépendant de ses sous-dirigeants. Si le mien avait été un peu plus indépendant et avait continué les missions, les autres s'étaient fait plus discrets. Le fait que deux parties soient réunies pouvait être un grand avantage.

     

    - Mais c'est super ! On aura un appui supplémentaire. S'exclama Lukas, un sourire au coin des lèvres.

    - Je préférerais une expédition en premier, j'ai un bien mauvais pressentiment.

    - C'est vrai qu'il ne faut pas se précipiter. Tu as une idée précise ?

     

    Je ne répondis pas. Bien sûr que j'avais un plan. Ce n'était pas quelque chose de particulier, juste une précaution.

     

    Je leur tournais le dos et m'éloignais rapidement. Ils ne me suivirent pas, je préférais que ce soit ainsi. Je fouillais dans toute la base mais ne les trouvais pas.

     

    - Tu cherches quelqu'un ? Me demanda Calys, me surprenant de surcroît.

    - Oui, Clara, Edgar, Alban et Jess. Au fait, merci pour l'autre fois.

    - Ne t'en fais pas pour ça. J'ai vu seulement Clara sortir en ville avec Ed.

    - Merci !


    votre commentaire
  • Je me dirigeais aussitôt vers la sortie. Cela faisait si longtemps que je n'étais pas allée en ville ! Les gens vivaient tranquillement, vaquaient à leurs occupations sans savoir ce qu'il se passait. Forcément, il devait bien y avoir quelqu'un pour les protéger. Insouciants du monde ''magique'', je les enviais, moi qui était plongée en plein dedans.

     

    Avec tout ça, j'avais presque oublié que le monde extérieur oubliait. Je m'étirais, éblouie par le soleil. Il ne faisait pas froid, au contraire, c'était un temps parfait pour sortir. Tout était si plein de vie.

     

    - Lana. Je peux venir ? Me demanda soudainement une voix que je reconnus immédiatement.

    - Oui. Avec plaisir, Alex !

     

    Il me sourit et on commença à marcher. Nous avions dans le calme, tranquilles, presque apaisées par l'environnement. Je finissais par me presser un peu ; il ne fallait pas perdre plus de temps. Si nous nous allions bien, ce n'était sûrement pas le cas de nos amis captifs.

     

    Un oiseau se posa sur mon épaule. C'était une pie au pelage argent. Je la reconnus directement comme celle ayant porté l'Ombre- Lumière. Elle piailla joyeusement avant de s'envoler comme si elle voulait qu'on la suive.

     

    - Bon ?

    - Tu ne veux quand même pas que- hey ! Attends !

     

    Je m'étais mise à courir. D'ailleurs il ne mit pas longtemps avant de revenir à mes côtés. Pas que je ne courrais pas vite mais il était plus sportif que moi. M'ayant rattrapée, il me serra dans ses bras, m'empêchant de bouger.

     

    - C'est quoi ça ? Le questionnais- je en riant.

    - N'ai pas le droit de faire un câlin à ma petite-amie ?

    - ...petite-amie ? Oui ! Bien sûr !

     

    Il déposa un baiser sur mes lèvres sans me laisser le temps de me remettre de ma stupeur. J'y répondis avec joie avant de remarquer que l'oiseau effectuait des cercles au-dessus de nous. Il finit par se poser sur l'épaule d'Alex.

     

    Il piailla ensuite plus bruyamment mais ne se ré-envola pas pour autant. N’était-il pas censé retrouver Clara et Ed ? L'angoisse me monta à la gorge. Mon partenaire dû le sentir car il prit les directives en se dirigeant vers la base, ma main dans la sienne.

     

    C'était horrible de vivre comme ça, sans pouvoir ne pas ressentir de la peur ou de l'inquiétude à tout moment mais on était en ''guerre'', tout pouvait se passer très vite.

     

    Arrivés à la base, mon malaise se dissipa directement. Nous nous fîmes accueillir par les-dits disparus. Soulagé comme moi, Alex me sourit. Je lui murmurais un ''merci'' avant de me tourner vers Clara et Edgar.

     

    - Avez- vous vu Jess et Alban ?

    - Ah si, suis-moi, je crois qu'ils sont avec Conrad.

    - Sylvain. La corrigea Edgar, légèrement moqueur.

     

    Il reçut un regard noir de Clara qui le fit s'excuser platement. Je m'apprêtais à les suivre quand je sentis qu'Alex ne venait pas. Intriguée, je me retournais vers lui qui n'avait pas bougé.

     

    - Je vais rejoindre Lukas, on t'attendra dans le salon 16.

     

    Je trouvais son comportement assez étrange aujourd'hui, ou du moins assez changeant. Pourquoi vouloir m'accompagner si c'était pour partir juste après ?

     

    - Pourquoi es-tu venu ?

    - Il faut bien quelqu'un pour prendre soin de toi.

    - Qu-

     

    Il m'embrassa à nouveau avant de repartir. Je le fixais un instant de loin avant de me diriger à mon tour sur les pas de mes deux amis. Je finis par les rattraper et constater la présence des deux recherchés.

     

    Avec un sourire éclatant, Alban accourut vers moi, Jess sur ses talons, moins souriant.

     

    - C'est d'accord. Dit simplement Jess, sans me laisser le temps de poser ma question.

    - Comment... ? Je n'ai encore rien dit, vous ne pouvez pas accepter !

    - Tu nous as aidés alors à notre tour de te rendre la pareille ! Renchérit Alban.

    - J'ai besoin de monde pour faire une mission de repérage. Shiro et Kuro ont été enlevés et j'ai peur que la SP ait changé de base.

    - En si peu de temps ?

     

    Je savais que cela pouvait paraître peu probable, compliqué, mais pas impossible. Cela expliquerait aussi le fait que la base ait été peu défendue et difficile d'accès, ou en tout cas, moins qu'elle ne l'aurait dû l'être.

     

    C'était la solution la plus vraisemblable et cela me tuait. Parce que si j'avais raison, les recherches allaient devoir reprendre et Shiro, Kuro, Ellie, Tyan, allaient tous en pâtir. Alban interrompit le flux de mes pensées, l'air déconfit.

     

    - Tu sais, tu nous avais déjà demandé à Jess et moi. Quand on a voulu te donner une réponse, tu étais introuvable.

    - J'avais oublié...

    - Je dois dire que je m'en sens vexé. Soupira Jess, le visage las.

    - Excusez-moi !

     

    Ils rirent suite à ma réponse et c'est avec ce joyeux groupe que je rejoignis Alex et Lukas. Plongés dans une discussion profonde, ils étudiaient une carte. Je ne pus savoir de quoi il s'agissait car dès que l'on entra, ils s'empressèrent de la ranger.

     

    Étonnamment, les autres s'arrêtèrent sur seuil de la porte alors que je m'avançais vers eux. Je leur jetai un regard interrogatif mais ne reçus de leur part qu'un regard surpris. Lukas me tapota alors l'épaule.

     

    - Je n'ai plus de couverture. Me murmura-t-il à l'oreille.

    - Pourquoi ?

    - Je veux vivre réellement en étant moi-même. En tant que Lukas.

     

    Je toussotais un instant, surprise. Il me fit un sourire rayonnant et j'eus la nette impression qu'Alex y était pour quelque chose. Je les regardais tous les deux un bref instant avant de soupirer.

     

    - Bon eh bien. Tout le monde, je vous présente mon ami Lukas, anciennement Kalen. Grâce à sa capacité « Mentaliste », il peut avoir un contrôle...mental...sur les gens, ce qui lui a permis de conserver cette apparence à vos yeux.

     

    Le silence accueillit ma déclaration. Ouais. Je ne savais pas moi- même comment j'aurais réagi à ça si je ne l'avais pas découvert avant. Edgar fut le premier à réagir. Il rit. Un fou- rire profond et apparemment contagieux car on finit par faire de même.

     

    - Je ne sais même pas pourquoi mais ça ne me surprend pas plus que ça, reprit-il après s'être calmé, donc Lukas et Alex, vous venez avec nous ?

    - Oui, ils viennent. Tout de suite, ce n'est que du repérage de toute façon.

    - Bon on y va ?

    - Vous êtes prêts ?

    - On n’a pas besoin d'une valise non plus ! Me taquina Clara, enjouée.

     

    Encore une fois, c'était moi qui était trop inquiète. Faute d'assurance, je préférais tout préparer plutôt que de bâcler. Le cœur un peu au bord des lèvres, je préférais les suivre plutôt que de passer devant.

     

    À l'arrière, il y avait aussi Alex et Lukas discutant. Dès que je me glissai à leurs côtés, ils se turent une nouvelle fois. Cela me blessait un peu mais je me contentais de serrer le poing pour essayer de ne rien laisser paraître.

     

    - Je sais que vous cachez quelque chose.

     

    Je poussai un soupir profond avant de finir par m'avancer à l'avant, seule. Je plissais le nez en voyant la base si...morte. En lâchant un gémissement découragé, je poussai la première porte.

     

    C'était vide. Si désespérément vide. Ni Ellie, ni Tyan, ni Shiro, ni Kuro, ni personne ! Plus rien ! Nada, zéro, encore des recherches à faire. On était revenus à la case départ. J'avais envie de crier et de pleurer, j'en avais assez !

     

    À nouveau, je m'emparais d'un ordinateur mais cette fois, ils avaient bien pris soin de se déconnecter de leurs serveurs. Rien ne pouvait m'aider à les trouver et pourtant je risquais ma route jusqu'à l'aile où nous étions la dernière fois.

     

    Sans surprise, les incubateurs avaient été vidés ou transportés. Le laboratoire était presque entièrement vide à l'exception de quelques rares tables, chaises, laissés à l'abandon.

     

    Je m'avançais encore jusqu'à la salle où j'avais récupéré Alex. C'était plus que quelques meubles qui avaient été laissés cette fois. Ils semblaient être partis précipitamment.

     

    Un fauteuil avec ses chaînes, quelques tables de ci et de là, des flacons vides, aucune organisation cette fois- ci.

     

    La chose qui m'intrigua fut un plateau posé négligemment à côté du siège. Les seringues étaient encore remplies d'un liquide noir. Ce n'était pas du HvX². Je ne connaissais pas. Une nouvelle formule ?

     

    Je dégageai le bouchon pour respirer l'odeur âcre qui s'en dégageait. C'était si familier, commun, c'était du sang. Du sang noir. Anormal mais pourquoi avais-je cette impression de déjà- vu ?

     

    À MORT

    ILS NOUS METTRONT À MORT

    LEURS SOIFS DE SANG NE S'APPAISERONT PAS

    TANT QUE LEUR ESSENCE NE LEUR AURA PAS ETE RENDUE

    IMPERAEAU, IMPERAAIR

    LE DESTRUCTEUR ARRIVE

    LE DESTRUCTEUR ARRIVE

    LE DESTRUCTEUR ARRIVE

    IL ARRIVE !

     

    La fiole que je tenais dans mes mains s'écrasa au sol et, dans un réflexe qui m'étonna moi- même, j'en saisis une autre avant de courir dans le sens inverse. Les autres étaient quelques salles plus loin.

     

    - On doit partir ! Maintenant !

    - Mais nous n'avons-

    - Vite !

     

    Je tremblais et malgré tout, malgré leur réticence, ils me suivirent dans ma course effrénée. Ce ne fut que lorsque l'on fut éloigné un minimum du bâtiment que je m'arrêtai enfin.

     

    - Lana, que se passe- t- il ? Me demanda, inquiet, Alex.

     

    Il semblait vraiment soucieux de mon état. Je voulus répondre mais je n'eus pas le temps. Je n'eus d'ailleurs le temps de ne rien faire. Et soudain le centre explosa.


    votre commentaire
  • Soufflée par l'explosion, je voltigeais un peu plus loin et tombais durement au sol, le corps endolori. Mes oreilles bourdonnaient et ma vue était trouble. Où étaient les autres ? À tâtons, je cherchais à mes côtés mais il n'y avait personne.

     

    Mon ouïe et ma vue mirent une bonne dizaine de minutes avant de revenir et j'entendis qu'on m'appelait. Mon premier réflexe fut de regarder si la seringue n'était pas cassée et, miracle, elle était intacte.

     

    Je relevais la tête et mon regard tomba sur Lukas, car c'était lui qui m'appelait. Aucun de mes autres amis n'étaient conscients.

     

    - Alex a un autre problème je crois.

    - Et toi ça va ?

    - J'ai volé un peu mais je vais bien.

     

    Effectivement, l'explosion n'avait l'air de ne rien lui avoir fait. Les autres par contre avaient été plus ou moins atteins. J'appelais Calys pour qu'elle vienne aider au soin tandis que le seul conscient commençait à s'occuper au mieux des blessures.

     

    Je m'assis à côté d'Alex mais il ne semblait vraiment ne rien avoir de grave en externe. Était-ce par rapport à son Impereur ? Était-ce même Imperater qui m'avait crié de partir ?

     

    Je ne comprenais pas mais c'était forcément lié. Imperaair et Imperaeau. Pourquoi étaient-ils évoqués ? Que leur arrivaient- ils en ce moment ?

     

    Il était mieux de traiter le mal à sa racine.

     

    - « Le cœur de l'équilibre »

     

    Une vague de sentiments me submergeaient alors mais je restais concentrée et entendis à nouveau une voix. La même qui m'avait prévenue. Ma magie fit effet rapidement et ''ça'' disparut.

     

    J'ouvris les yeux. Calys était à côté de moi, soignant Alban. Quant à Alex, il s'éveilla à son tour, me regardant avec de grands yeux.

     

    - Lana, tu as entendu cet appel ? On aurait dit-

    - On en parlera de retour à la base.

     

    Je ne voulais pas aborder le sujet maintenant. J'avais besoin de me mettre les idées au clair. De savoir pourquoi c'était cette voix qui nous avait averti.

     

    En appliquant les soins, le médecin me sembla soucieuse. J'eus un mauvais pressentiment et préférai me détourner pour aller la voir.

     

    Devant elle, le corps des quatre étaient alignés.

     

    - Quelque chose en va pas ?

    - ...Au-delà. Il y a quelque chose d'étrange avec Alban.

    - Comment ça ?

    - Au-delà du choc physique, des blessures, quelque chose ne va pas avec sa capacité. Je ne comprends pas trop mais c'est instable. Et puis, il n'y a pas que ça. Son pouvoir peut agir habituellement pour éviter que les dommages pris soient trop grave et là, rien.

     

    Mes yeux se posèrent sur le- dit, inconscient au sol. Son dos était en mauvais état, il avait été le plus proche de l'explosion. Si un quelconque soin avait dû être appliqué, il n'y en avait pas la moindre trace.

     

    La dernière fois que je l'avais vu utiliser ses pouvoirs, c'était contre Tania. Avait-il eu des problèmes avec depuis ? Il fallait que je lui en parle et sans personne autour à mon avis.

     

    J'aidai Alex à se relever et avec Lukas, on le transporta jusqu'à la base. Enfin ''transporter'' était un bien grand mot étant donné que l'on lui servait juste d'appui. On le déposa à l'infirmerie.

     

    - Tu as faim ? Demandais-je au seul membre réveillé de mon équipe.

    - Pas vraiment. Pourquoi ?

    - Parce que moi, si.

     

    Je le traînais jusqu'au réfectoire sans même lui demander son consentement. En fouillant dans les placards, je tombais sur une pizza que je mis alors au four. Eh bien, vu l'odeur, ce n'était pas périmé au moins !

     

    - Bon je change d'avis, passe-moi une assiette.

     

    J'installais rapidement les deux avant de me saisir du plat, enfin cuit, et de l'installer sur la table après l'avoir coupé. On commença à manger dans un silence total.

     

    - Lana, est- ce que...quelque chose d'autre s'est produit pour toi et Alex ?

    - J'ai entendu une voix et-

    - Alban est réveillé. M'interrompit alors Calys.

    - D'accord ? Pourquoi es-tu venue me chercher ?

    - Tu es la mieux placée pour lui parler de ses problèmes, pas vrai ?

     

    J'acquiesçais avant de laisser Lukas et de retourner à l'infirmerie. Comment pourrais-je lui en parler sans qu'il ne se braque ? J'étais certaine qu'il l'avait déjà remarqué ; c'était impossible de ne pas se rendre compte quand sa capacité avait un problème.

     

    Je soupirai longuement en ouvrant la porte. Il était assis au bord de son lit, toutes les blessures à allure grave avaient disparu sous des bandages. Il me regarda à peine j'entrai, comme s’il m'attendait.

     

    - On sort ?

    - ...si tu veux.

     

    Il me suivit sans rien dire alors que je marchai vers les Ruines d'Empire. Là-bas, on était à l'abri de toute oreille indiscrète, on était presque sereins, éloignés du danger. Quand je m'arrêtais, je lui fis face.

     

    - Alban, qu'est- ce qui ne va pas ?

    - Ce qui ne va pas ? Tu m'as traîné ici seulement pour ça ?

     

    Son ton de voix était doté d'un tel orgueil que je me surpris à avoir des frissons.

     

    Ses yeux me fuyaient, son corps s'affaissait mais il riait. Il riait haut et fort et le son qui en sortait semblait presque brisé, tellement amer que cela me faisait mal au cœur.

     

    - Tu sais quoi ? Je vais bien. Je. Vais. Bien ! S'écria- t- il, avec l'air à demi hystérique.

    - Non, tu ne vas pas bien.

     

    Il se coupa net dans son élan. Comme s’il était à nouveau totalement lucide et n'avait fait qu'une crise passagère. Il s'assit alors, les yeux perdus dans l'horizon.

     

    - T'as sûrement raison. Ça ne va pas. Et je suis perdu. Un jour, comme ça, mes pouvoirs ont commencé à être moins présents. Je me suis dit que ça allait passer mais au fur et à mesure ils sont devenus de moins en moins faciles à utiliser. Ma capacité disparaît ! ...et j'en ai terriblement peur. Bientôt, je ne pourrais plus l'utiliser, je me retrouverais incapable de protéger ceux que j'aime. Lana, que dois-je faire ? Je ne sais plus.

     

    Mon regard s'ancrait dans le sien et j'y lisais toute sa détresse. Étais-je réellement censée lui apporter une réponse ? L’avais-je même ? À ce moment, où mes craintes étaient confirmées, je me sentais impuissante face à ce désespoir qui lui rongeait le cœur.

     

    Je n'étais pas une sauveuse, une héroïne. Je ne pouvais pas l'être peu importe si je le voulais, je restais moi. Sans solution pour l'aider, lui.

     

    Il perdait sa magie, l'une des choses la plus importante de sa vie, qui lui avait sûrement permis de survivre jusque-là alors qu'étais- je censée lui dire ? Comment devais-je le conforter ?

     

    Moi, que ferais-je si je perdais mes pouvoirs ? Qu'aimerais- je qu'on me dise ? Un autre doute subsistait dans mon esprit. Et si c'était normal ? Que l'on arrivait tous à terme à un moment ou un autre ?

     

    Tant de questions tourbillonnaient dans ma tête. Sans aucune réponse. Pas la moindre. Juste des points d'interrogations qui tournaient en boucle et passaient et repassaient.

     

    - Je suis désolée Alban. On aurait dû remarquer que ça n'allait pas mais tu n'aurais pas dû le cacher.

    - Cela remonte à un peu avant le combat contre cette lieutenant de la SP.

     

    Il s'étira difficilement avant de m'offrir un petit sourire triste. Une pensée s’immisçait dans mon esprit. J'avais besoin de réponse et je pouvais les avoir simplement. Cela ne me plaisait pas de me reposer sur cela mais je n'avais pas le choix.

     

    Trop de choses restaient en suspens. J'allais utiliser l'Ombre- Lumière.

     

    Je ne savais pas si cela pouvait être dangereux mais j'avais réfléchi à ce que m'avait dit Lukas : « L'échec est assuré quand la vérité est voilée ». Je croyais l'avoir compris avec la vue d'Ellie et de Tyan dans le laboratoire de la SP.

     

    Les ramener à la vie n'était pas possible étant donné qu'ils n'étaient pas morts. Mon vœu s'était révélé faussé.

     

    - Écoute, je vais essayer de trouver une solution, ne t'en fais pas pour ça.

    - Peux-tu...ne pas le dire aux autres ? Surtout, je ne veux pas que Jess s'inquiète.

    - Idiot.

     

    Juste à l'entrée de la plaine se tenait le-dit. Un de ses bras en écharpe et son visage et cou comportaient quelques pansements et bandages.

     

    Si j'étais venue pour l'isolement qu'offrait cet endroit ? Oui.

    Si j'avais une autre attente derrière ? Aussi.

     

    Bien sûr, j'espérais que Jess, se souvenant de là où je l'avais emmené, vienne nous trouver. Il s'avança l'air assez en colère jusqu'à arriver pile en face d'Alban.

     

    - Tu es un idiot. Comment tu peux vouloir nous cacher ça ?

    - Jess, je-

    - On avait dit plus de secrets ! Qu'on restait soudés ! Ça ne comptait pas pour toi ? Même si tu le camoufles par rapport aux autres, pour moi c'est...important. Finit-il d'une voix presque inaudible.

     

    Il se tut ensuite brutalement, laissant planer un silence lourd de sous- entendus. Je pouvais presque entendre les reproches de Jess à Alban. « Tu ne m'as pas fait confiance. » « Je ne dois pas valoir tant que ça à tes yeux finalement. » « J'aurais dû le savoir après avoir été aussi proche de toi. »

     

    Son expression de visage était vraiment partagée. En les regardant, une certaine sérénité me prenait, cela me semblait doucement s'arranger. Son interlocuteur eut un sourire triste, presque douloureux, à son égard.

     

    - Excuse-moi. Je suis perdu. Je n'ai que ça pour moi. J-Je ne suis doué qu'à ça, c'est la seule chose qui m'a maintenu envie, qui m'a donné de la valeur. Sans ça je...sans ça je ne suis rien.

    - C'est vraiment ce que tu penses ?

     

    Jess continuait de le fixer mais son air s'était presque adouci. Le feu de la colère avait été comme dissipé par mes dires d'Alban. Avec des gestes doux, il serra ce dernier, secoué par les sanglots, dans ses bras.

     

    - Moi, je pense que ce n'est pas normal. Les pouvoirs que nous avons, la vie que nous menons, rien de tout ça n'est normal. Tu peux penser que c'est quelque chose de nécessaire pour vivre mais ça ne l'est pas. Ce n'est pas grave si tu perds ta capacité, tout va bien se passer. Tu auras toujours de la valeur à nos yeux, Alban.

     

    Et c'était vrai. Ce fut d'ailleurs ce qui m'estomaqua le plus. J'avais dû mal à l'accepter mais c'était la vérité. Pour moi, qui possédait ma capacité depuis petite, dont la vie n'avait tourné qu'autour de ça, je ne pouvais pas me permettre de la perdre.

     

    Mais le fait qu'ils soient impliqués, ici, que tout ça se produise, comment cela pouvait- il être normal ?

     

    Non, nous ne nous faisions pas la guerre à coup de fusils et de bombes, on utilisait le surnaturel, l'impossible, la magie. Et seuls ceux qui la possédaient étaient censés être impliqués mais cela faisait des ravages dans le monde, possesseur ou pas.

     

    En tant qu'Empereur, il m'était impossible de perdre mes pouvoirs maintenant. Il restait tant de choses à éclaircir, de combats à mener, une perte serait juste...le pire qu'il puisse arriver.

     

    Je restai quelques instants à les regarder avec le sentiment que ce n'était que la prémisse d'une tragédie qui pouvait toucher beaucoup de gens.


    votre commentaire
  • Je m'éclipsai, les laissant seuls. Je préférai trouver le moyen d'aider Alban comme promis. Je m'isolai dans la forêt juste en contrebas des Ruines, seule et au calme.

     

    Automatiquement, mes mains se posèrent sur le livre, sur l'Ombre-Lumière, et mes yeux se fermaient.

     

    J'entendais les arbres bruisser sous le vent capricieux et me sentais étrangement en dehors.

     

    - Permets-moi de savoir le moyen d'aider Alban.

     

    L’avais-je murmuré, pensé ? Je ne savais pas mais une sensation de chaleur se dégagea du manuscrit. Une voix familière me parvint alors. Très similaire à celle de l'avertissement.

     

    IMPERATER

    J'ATTENDAIS TON APPEL.

    TU ME POSSEDES DEPUIS DE LONGUES ANNEES SANS M'UTILISER

    ET POURTANT ON M'AVAIT PREVENU QUE JE TE SERAIS UTILE.

    VEILLE BIEN A TES CHOIX...

    NOMBREUX SONT CEUX DONT LE COEUR A ETE DEVORE PAR LE POUVOIR.

    QUANT A TON VOEU, JE N'AI QU'UNE REPONSE

    L'ANTIDOTE TU LE POSSEDES DEJA DANS TA POCHE.

     

    Je tâtais alors dans ma poche et n'y trouvais qu'un objet. La seule chose que j'avais récupéré du laboratoire avant qu'il n'explose : la seringue pleine de sang.

     

    FAIS ATTENTION A CE POUR QUOI TU VEUX L'USER,

    TU N'EN AS QUE POUR UNE PERSONNE.

     

    Cela voulait- il dire que j'en aurais encore bientôt besoin ? Que quelqu'un d'autre allait perdre sa magie ? Était-ce comme je l'avais pensé ?

    Moi seule pouvait juger de qui retrouver sa capacité, c'était trop. Je ne méritais pas ça. À nouveau, il allait falloir choisir.

     

    Et mon cœur sembla chuter lourdement dans ma poitrine.

     

    - De qui est-ce le sang ?

     

    C'EST LE SANG DU DESTRUCTEUR.

    LUI SEUL PEUT GUERIR DE LA PERTE DE POUVOIR.

     

    - Pourquoi ?

     

    SON ORIGINE NE VIENT PAS DE LA MEME FORME QUE VOUS,

    SES CELLULES SONT SPECIALES...

    ET LEURS ACTIONS SUR LES VOTRES NE PEUVENT ETRE QUE POSITIVES.

     

    - Mais ça n'a aucun sens ! Si lui seul peut sauver alors pourquoi il est représenté comme l'ennemi, les ténèbres, la mort même ?

     

    TU N'ES PAS VRAIMENT JUSTE.

    DES INFORMATIONS TE MANQUENT,

    VOS IMPEREURS LE SAVENT ET L'ONT CACHE.

    L'EXTINCTION A MAINTENANT COMMENCE,

    TOUT N'EST QU'UNE QUESTION DE TEMPS.

     

    - Que nous ont-ils cachés ?

     

    TU TE CONFRONTERAS A ELLE POUR CES REPONSES.

     

    - Alors...

     

    Que pouvais-je demander ? Tellement de questions circulaient dans ma tête, encore une fois, et je savais que je pouvais obtenir la réponse de la plupart.

    Mes yeux clignotaient, fatigués du dilemme mental qui se livrait dans ma tête.

     

    - Pourquoi les chevaliers noirs étaient dans le livre ?

     

    IL Y A BIEN LONGTEMPS,

    LES TENEBRES ORIGINELS SE SONT ECHAPPES DE CE LIVRE.

    SI FORTS ET SI PUISSANTS

    QU'ILS ONT FAILLIT PLONGE LE MONDE DANS L'OBSCURITÉ.

    DE NOMBREUX CHOSES EN SONT NES,

    LES CHEVALIERS NOIRS EN FONT PARTIE.

    UN POSSESSEUR A REUSSIT A UTILISER L'OMBRE-LUMIÈRE POUR EN CONTENIR POUR SE DEBARASSER D'EUX ET LES Y CONTENIR.

    CEPENDANT RIEN N'EST ETERNEL

    ET CEUX- CI SONT INCONTROLABLES

    ALORS DES QU'UN VOEU EST IRREALISABLE OU FAUSSE,

    ILS EN PROFITENT POUR S'ECHAPPER.

     

    - …

     

    Ils venaient des ténèbres originels ? Je n'en savais pas beaucoup mais selon des légendes, ce serait ce contre quoi les Impereurs s'étaient battus.

    Pour le reste, je n'arrivais à me souvenir d'aucune autre de mes interrogations.

     

    Je poussai un soupir profond, décidant d'en arrêter là.

     

    - Merci de ton aide.

     

    UNE DERNIERE CHOSE,

    EST-CE TA PREMIERE SYNCHRONISATION AVEC IMPERATER ?

     

    - ...Non. C'est la deuxième.

     

    QUELLE EST LA CAUSE DE LA PREMIERE RUPTURE ?

     

    - La séparation de l'Empire vers la fin de ma dix-septième année.

     

    JE TE CONSEILLERAI DE NE PAS LA PERDRE A NOUVEAU.

     

    - Pourquoi ?

     

    Mais la réponse ne vint pas. À partir de cet instant, le livre s'était refermé. Avais-je au moins posé les bonnes questions ?

     

    Et pourquoi les siennes ? Ma seizième année et dix-septième année avaient été les meilleures de ma vie mais en même temps les pires. Je les renommais souvent : « Tout retrouver pour mieux tout perdre. »

     

    Nous avions sauvé Alex et étions enfin réunis cependant, le bonheur n'avait pas duré longtemps.

     

    L'heure n'était pas aux rêveries. Je devais trouver le moyen de contacter mon Impereur.


    votre commentaire