• Notre porte d'entrée s'ouvrit dans un grincement peu avenant et nous nous glissâmes dans le couloir non-éclairé. Silencieusement, je menais la marche. Chaque porte, chaque escalier, corridor ou même pièce, traversé me soulageait car je savais que la distance me séparant d'Alex se diminuait.

     

    J'entrais en trombe dans la salle, sans même me soucier des ennemis qui envahissaient l'espace et me précipitais vers lui. La machine semblait être à l'origine même de sa souffrance, elle semblait drainer son énergie.

     

    Je sentis alors deux présences écrasantes dans mon dos mais je ne pris pas la peine de m'en soucier, préférant me concentrer sur les chaînes.

     

    Avec le poignard, accroché soigneusement à ma taille pour la mission, je réussis à les briser à la base même, à défaire le bracelet de fer. Alex gémit faiblement et ouvrit les yeux.

     

    - Imperater, dépêche-toi. Mon gardien n'est presque plus là.

     

    Son gardien ? … Alex. Tout comme moi, il gardait une des capacités « Impereur ». Contrairement aux autres, elles avaient une origine spéciale. À la base, c'était des âmes d'anciens héros égarées et réincarnées dans des corps en tant que don, pouvoir. Pourtant, ils étaient bels et bien là et, quand notre conscience mourait, ils prenaient contrôle de nos corps.

     

    À la base, ils étaient bienveillants sauf si …

    Sauf s’ils se faisaient corrompre.

     

    Mes mouvements s'accélèrent et, enfin, je parvins à le libérer entièrement de ses liens. Alex ou plutôt l'Impereur en lui : Imperafeu, qui était encore conscient, s'effondra dans mes bras. Je jetais un coup d’œil à la bataille où mon équipe se débrouillait bien malgré son nombre inférieur.

     

    Décidant de les aider, je fis, d'un mouvement, apparaître des lianes pour emprisonner des ennemis. Je tournais ensuite mon attention vers mon blessé qui, sur mes genoux, avait bien du mal à respirer.

     

    - Tu dois trouver un moyen de le ramener. Imperater, ton impératrice était très forte à ça. Elle savait … savait me sauver des ténèbres quand j'étais au plus mal. Tu devrais pouvoir le faire … réussir « Le cœur de l'équilibre ».

     

    Ce nom … m'était totalement inconnu. Rien, absolument rien, ne me venait à l'esprit et pourtant ! Pourtant c'était mon seul indice.Un sort alors ? Mais comment pouvais-je le connaître ? Je n'étais pas assez forte.

     

    Cela faisait bien longtemps que je n'avais vu mon impératrice. Je n'avais pas le temps de réfléchir davantage car Imperafeu ferma les yeux et se mit à haleter difficilement, son front, plein de sueur, était brûlant et sa peau blanchissait de seconde en seconde.

     

    « Juste rester à tes côtés suffit à mon bonheur, tu sais ? »

    « Lana ! … Lâchez- la ! Vous n'avez pas le droit ! Non ! Non ! Lana ! »

    « On se reverra, toujours, on est liés après tout. »

    « Ne m'oublie pas ! Je suis là, je serais là encore et encore ! Je t'attendrais, j'ai foi en toi. »

    « Lana ! Enfin, on est libres. Ce cauchemar est fini, je suis si heureux qu'on ait pu en sortir, ensemble. »

    « Je veux continuer à sauver les gens, on doit continuer ! On a enfin trouvé le véritable but de notre but et nous on est là tous les deux, pourquoi devrions-nous ne pas continuer ? »

    « Je t'aime. »

     

    Le choc fut rude. Je me souvenais de trop de choses en même temps. Je me souvenais trop de lui, partout, toujours avec moi. Et je l'aimais tellement. Je devais le sauver mais comment ? Des larmes tombèrent sur son visage, les miennes, je me mordis la lèvre.

     

    Tu peux le faire. Fais-le. Fais-le pour lui.

     

    Mes mains se posèrent sur ses joues. Je n'avais pas l'impression que c'était moi qui dirigeait mon corps à ce moment- là, tout était tellement … automatique. Mon front se posa contre le mien. Et quelqu'un, dans ma tête, prononça « Le cœur de l'équilibre ».

     

    Je me trouvais alors dans une pièce blanche, ou noire, ou grise ? Devant moi, une fille était debout et me fixait, de par ses grands yeux violets, déterminée. Je la reconnue de par son apparence ; c'était Imperater, dans sa tenue de combat habituelle. Elle n'avait pas changé depuis la dernière fois.

     

    Nous voilà à la fin de la route. Finit-elle par dire après quelques minutes de silence. C'est à toi de faire un choix où tu ne pourras aller plus loin. Veux-tu le sauver ?

     

    - Oui. Je le veux mais comment ? Tu sais comment le sauver ? Tu peux … m'aider ?

     

    Un sourire se dressa sur ses lèvres rouges. Ce n'était pas un sourire moqueur mais un rempli de tendresse et d'affection. Elle effleura mon visage d'une main douce avant de répondre.

    Mon Imperafeu ne survivra pas si Alex disparaît, tu sais ? Normalement, quand un hôte meurt, nous, les Impereurs, pouvons posséder leurs corps sans souci pendant un certain moment mais avec ce qui a été fait, il deviendrait aussi fou que nos deux autres amis. Et serait sûrement perdu à jamais.

     

    Elle avait sûrement été mise au courant de tout au travers de moi. Une inquiétude certaine s'échappait d'elle.

     

    De plus, s’il disparaît, que deviendras-tu, chère Lana ? Toi qui as déjà eu tant de malheurs ? Tu ne pourrais pas le surmonter, je le devine. Alors, aies confiance en toi et en lui comme tu l'as fait avec les autres. Libère ton pouvoir et éradique les ténèbres logés en Alex, atteins-les en plein cœur. Parce que c'est nous, Lana, on y arrivera.

     

    Je savais à quoi elle faisait référence. Parmi les quatre Impereurs, eux-deux étaient particulièrement proches comme les deux restants. Et ce, depuis toujours. Ils avaient toujours été ensembles, l'un avec l'autre, l'autre avec l'un. Jamais séparés. C'est pour cela qu'elle arrivait à le raisonner parce qu'ils sont, que nous sommes, liés à jamais.

     

    Je pris la main qu'elle me tendait et, aussitôt, une vague de pouvoir et de puissance m'envahit en entière, ainsi que des nausées, que je supposais être le contre-coup de cette montée de force. C'était à la fois agréable et désagréable de sentir ce corps étranger affluer dans mes veines. Cette fois- ci, ce fut moi qui prononça exactement en même temps qu'Imperater :

     

    - « Le cœur de l'équilibre »

     

    Je ne comprenais rien. Peut-être que … je chutais. Oui c'était ça. Je tombais dans un vide sombre et qui semblait sans fin. Pourtant, derrière moi, il s'illuminait. De tous les côtés, des souvenirs défilaient et je comprenais vite que c'était ceux d'Alex.

     

    Mais pas seulement. Les mémoires se mélangeaient et c'était aussi celles de l'Imperafeu. C'était assez étourdissant, j'étais entrée dans leur esprit. Et la chute continuait.

     

    Mon corps avait commencé à tanguer de tous les côtés. On me criait des mots, des phrases vides de sens. Tout s'accélérait. Les images devenaient trop floues et éphémères pour pouvoir distinguer quoique ce soit. J'avais mal. Une douleur sourde m'envahissait, c'était insupportable. Ma tête semblait être sur le point d'exploser. Je fermais les yeux mais la descente se faisait plus violente encore.

     

    Concentre-toi !

     

    Était-ce moi-même ou l'Imperater qui m'encourageait à ce moment ? Je n'arrivais pas à le savoir.

     

    J'ouvris les yeux. Je cherchais un coin sombre. Un coin à part, distingué du reste, laissé à l'abandon, anormal. Là où le mal même avait élu office. Dès que la chute se stoppa, je tombai brusquement au sol et, en me relevant, je remarquai alors un drôle de cube blanc dans ma main.

     

    C'était bien la seule source de luminosité ici et, cela m'apparut comme une évidence, c'était le fameux « cœur de l'équilibre ». Ici pour faire pencher la balance vers le bien. Le cœur de la lumière.

     

    Et les ténèbres étaient là, autour de moi. De plus en plus oppressants, comme s’ils essayaient de me chasser, de me tuer. Le carré s'agita dans ma paume et, d'un geste machinal, je l'écrasais. Dès lors, les cendres de lumière se muèrent en tempête dont j'étais le centre.

     

    Mon corps était balayé, brisé, et je ne pouvais esquisser un mouvement. Condamnée à subir la douleur abominable qui se répandait dans tout mon corps à l'infini. Mes cris se transformèrent en hurlements aiguës.

     

    Je hurlais à m'en arracher la gorge, dans l'espoir que tout cela cesse. Rien n'y faisait. Je perdais la notion de temps ou même d'espace. Faisait- il sombre, clair ? J'étais entièrement tordue dans un sens et dans un autre.

     

    - Lana, Lana, Lana !

     

    J'ouvris les yeux à nouveau. Mon corps était totalement endolori mais la douleur lancinante avait disparu. Je revenais à moi doucement et me rendait compte de ce qui m'entourait. J'étais, à présent, logée sur les genoux d'Alex. Ravagé, il appelait mon nom sans cesse, fou d'angoisse.

     

    - Oui. Gémis-je faiblement.

    - Lana... ! Je suis désolé. Je ne fais que de te faire du mal, déjà la dernière fois où je t'ai fait endurer tout ça. Excuse-moi. Utiliser ce sort et fusionner avec Imperater, tu es folle !

    - Je ne voulais pas te perdre à nouveau. Mais ce n'est pas fini tant que-

    - Lana, attention !

     

    Le cri de Kuro résonna à mon oreille. Je n'eus pas le temps de me retourner et sentis juste un choc dans tout mon dos. Et j'en souffrais. Je venais d'être projetée contre le mur mais par quoi ? Par qui ?

     

    À demi-consciente, je me sentais être portée, emmenée au loin, mise en sécurité. Tout ce que je pouvais voire était une longue cape blanche se balançant au gré du vent. Ses cheveux étaient noirs ? Bruns foncés.

     

    On dirait Lukas ? Mais il était déjà … Cela voulait dire que j'étais morte ?

    Impossible. J'aurais revu Imperater une dernière fois et ce sentiment, cette souffrance, elle devrait avoir disparue si j'avais été tuée.

     

    Je me réveillais brusquement. J'étais à l'infirmerie ? J'y étais de retour mais comment ? J'étais revenue à la base alors Lukas devait être … ? Non. Il n'y avait personne. Bien vite, Jess et Alban arrivèrent dans la pièce, paniqués.

     

    - Lana ! Que s'est- il passé ? Tu sais où sont les autres ?

    - Et Shiro, elle ne va vraiment pas bien !


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  • - Les autres ne sont pas là ? Demandai-je surprise.

    - Non. Tu es la seule qu'on ait trouvée à l'entrée.

    - Pour Shiro, cela serait-il en rapport avec Kuro ? Tu n'as vraiment aucune info ?

    - Je ne sais pas ! On m'a envoyé contre un mur et je me suis évanouie !

     

    J'étais désemparée. Tout me tombait dessus d'un coup et la panique affluait en même temps. J'avais l'impression d'avoir été téléportée ; d'avoir été emmenée de la scène où j'étais avec mon équipe à celle-là où j'étais à l'infirmerie.

     

    L'inquiétude me prit, j'étais très soucieuse, sans savoir ce qu'il leur était arrivé, où ils se trouvaient. Étaient-ils encore à la base ? Avaient-ils été capturés ?

     

    Je me sentais aussi coupable. Ces deux ombres menaçantes que je n'avais pas relevées, que j'avais préféré ignorer. C'était sûrement l'une d'entre elles qui m'avait porté le coup. Mais la personne qui m'avait ramenée ? Lukas ? Non c'était impossible, il était mort. Mais qui alors ?

     

    Ils ne méritaient pas de se faire capturer et tout ce qu'ils allaient subir allait être ma faute. Mon erreur, ma responsabilité. Celle aussi d'avoir confié l'Ombre-Lumière à Kuro, de lui avoir légué mon fardeau, je n'en avais pas le droit.

     

    Shiro n'aurait pas pu être en pire état.

     

    Sa respiration était laborieuse, une fièvre violente réchauffait tout son corps et pourtant elle semblait frissonner de froid. Elle souffrait tellement que j'eus un doute sur mes capacités à la soigner.

     

    J'essayais de m'introduire dans son esprit pour voir le mal à sa base et aussitôt je fus assaillie par des visions : Kuro enchaîné, mal en point, en sang, torturé. Je sentais, à travers Shiro, la douleur qu'il ressentait. Je savais que c'était en rapport avec leur lien spécial de jumeaux mais à ce point-là …

     

    À travers le défilement et le tumulte qu'il engendrait, j'entendais ceci :

    « Où est-il ? Où est l'Ombre- Lumière ?! »

     

    Il ne répondit pas et je ne compris pas pourquoi ils ne l'avaient pas trouvé, je lui avais donné pourtant.

     

    Cette pensée eut à peine traversée mon esprit qu'un piaillement attira mon attention. Ce fut avec horreur et en même temps soulagement que je découvris le même oiseau qu'il avait utilisé pour camoufler le manuscrit.

     

    Un malaise extrême me prit. J'étais désolée pour lui, tellement et ne pouvais rien faire pour Shiro, ce n'était pas moi qui le pouvait.

     

    Mais que pouvais-je faire pour les sauver ?

     

    Non, je devais les sauver. Les sauver de l'enfer qu'ils traversaient, pas que Kuro ou Alex mais aussi Edgar et Clara. Cette fois, j'avais toutes les cartes en main.

     

    Et c'était à moi de décider quoi en faire.

     

    Quelques minutes s'écoulèrent et mon cerveau tournait à plein régime. Cela me rappela que je n'avais pas les nouvelles des autres expéditions. Est- ce que cela avait été concluant ? Avaient-ils réussi à récolter des plans, des données, sur l'ennemi ? Y avait-il eu des blessés ? Des morts ?

    Y avait-il des bonnes nouvelles par rapport à mon échec ?

     

    Je fis le vide dans ma tête le plus vite possible et me concentrais à nouveau jusqu'à fixer mes objectifs de manière claire et précise. Il ne me manquait que leurs informations, un dernier rouage et tout serait en place. Donc, déjà, aller retrouver les dirigeants pour avoir un compte-rendu et pour leur exposer une nouvelle stratégie pour aller récupérer ceux qu'on a perdu.

     

    En l'absence des chefs, ce fut Calys qui vint représenter le Clan et Sylvain l'Association. Ce dernier prit la parole.

     

    - En piratant le réseau informatique, on a pu avoir les plans de tous les niveaux de la base, ainsi que quelques ''plus'', toutes les entrées et sorties. Aussi, les noms et capacités ont été récupérées, au prix de nombreuses pertes quand même. Mais on devrait avoir tout ce dont tu as besoin.

    - Okay. Merci à vous tous pour m'avoir cru. Faisons comme ça.


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  • Je m'introduisais dans la base de la SP pour la deuxième fois de la semaine. Cela me rappelait Demonic et tellement de mauvais souvenirs mais aussi des bons. Personne ne le savait vraiment mais durant ces trois années où nous avons régné en tant qu'Empereurs, nous avions l'impression que rien ne pouvait nous atteindre. Et nous sauvions le monde. Ensemble.

     

    Tyan, Ellie, Alex et moi. Les quatre « Impereurs ».

     

    Bien sûr que j'avais tu mon implication dans ce groupe. Ce n'était pas quelque chose que je voulais que tout le monde sache. Je préférai me la jouer incognito, c'était plus simple, moins douloureux.

     

    Je rentrai enfin dans le laboratoire, suivie de près par Alban et Jess'. De là où on était, des cris se faisaient entendre de toute part, signe que la diversion avait commencé.

     

    Je remerciais intérieurement ces alliés inespérés de me faire confiance, de bien vouloir se joindre à ma cause et je priais silencieusement qu'ils restent en vie. Ou du moins, qu'il y ait le moins de perte possible. Ce serait encore ma faute.

     

    J'essayai de ne pas faire attention aux conteneurs et aux expériences à l'intérieur de ceux-ci. Mais, à un croisement, je ne pus détourner les yeux.

     

    Un battement. Une connexion. Une prise de conscience.

     

    Devant moi se trouvait Tyan et Ellie. Vivants. Leurs corps étaient reliés à diverses machines et ils flottaient tranquillement, inconscients, dans leur blinder. Je compris alors qu'ils avaient récupéré leurs cadavres et avaient continué le projet IMP sans se soucier de quoique ce soit, en réutilisant les enveloppes corporelles.

     

    L'horreur et le dégoût suivirent les nausées de terreur face à une telle abomination. En touchant le tube, une vague de sentiments m'envahirent comme si c'était eux qui me la transmettait directement. Il y avait … de la peur. Beaucoup de peur. Et de la douleur.

     

    J'avais envie de les libérer, de les sauver mais je m'en souvins alors de détails que j'avais oublié.

     

    Ils étaient censés être morts alors qu'avait été le prix pour les ramener ?

     

    Je me stoppai net. J'avais comme un mauvais pressentiment, comme si quelqu'un dans ma tête me criait de ne rien faire. En analysant la voix, je reconnaissais Imperater et me fiais à son jugement. Sachant que chaque Impereur pouvait voir l'âme des siens, j'utilisais alors sa vision.

     

    L'environnement ne changea pas sauf que deux esprits ? … Non. Deux âmes flottaient au-dessus des corps. Un garçon et une fille, en tenue de combat bien singulières et reconnaissables, c'était Imperaeau et Imperaair. Ils maintenaient enchaînés deux personne que j'identifiai facilement : Tyan et Ellie.

     

    Était-ce comme ça qu'on finissait dès qu'on perdait le contrôle ? Enchaînés ?

    Clair et net, la réponse se gravait dans mon esprit.

     

    Oui.

     

    Je traversais le labo sans jeter un coup d’œil de plus, ne voulant pas tomber sur quoique ce soit d'autre qui pouvait me rendre encore plus mal. Sans le vouloir, je m'étais mise à courir de toutes mes forces, m'enfuyant loin de l'horrible vérité confinée à l'intérieur.

     

    C'était finalement en sentant deux mains m'attraper les épaules que je m'arrêtais, revenant soudain à moi. Je prenais conscience de ma fuite mais aucune honte ne vint frapper mon esprit. Il y avait juste du soulagement. Bien évidemment, ceux qui m'avaient rattrapée n'étaient autre que Alban et Jess'.

     

    - Tout va bien ?

    - C'est juste le choc. Je ne m'attendais pas à ce qu'ils aient été assez ignobles pour...

    - C'est eux tes anciens camarades ? Censés être morts par ta main ? Éluda rapidement Jess, une lueur attristée au fond du regard.

     

    Encore une fois, il avait deviné juste.

     

    - Ouais, ils ne sont plus si morts que ça. On devrait se dépêcher avant qu'ils ne se réveillent. Il y a fort à parier que ce sera plutôt Imperaeau et Imperaair, devenus fous à cause du traitement.

    - Du traitement ? Me questionna Alban, intrigué.

    - Commençons par retrouver Kuro, je t'expliquerais là-bas.

     

    Après une autre série d'escaliers et de couloirs, on arriva finalement dans l'aile nord-ouest, dite ''l'aile des tortures''. Je frissonnais en me remémorant de mon séjour de deux semaines sous le courroux d'un quelconque membre de la SP, pour le meilleur comme pour le pire.

     

    On trouva Kuro encore enchaîné à une table d'opération, de larges plaies barrant son torse, ses bras, et de nombreuses traces de piqûres visibles de ci et de là. Il était dans un état pitoyable. De grands cernes sous ses yeux, il avait aussi le teint pâle et était amaigri légèrement.

     

    À peine j'eus effleuré sa joue qu'il ouvrit les yeux, affolé. D'ailleurs, ces derniers étaient étrangement vides. Il se mit alors à haleter fort et à gémir de douleur.

     

    On eut beau détacher ses chaînes, il semblait toujours autant paniqué et perdu, comme s’il n'arrivait pas à nous reconnaître. J'essayais de le calmer, de l'apaiser.

    Rien n'y faisait.

     

    Il tremblait toujours aussi fort. Je n'arrivais à rien c'était comme si ce n'était pas à moi de le faire.

     

    Je poussais un soupir car je savais que je devais le ramener auprès de sa sœur, il n'y avait pas de temps à perdre. Et pour ça, il fallait que j'use de ma magie, encore. Le téléporter en utilisant le flux du sol ? Autant essayer.

     

    Je posais ma main sur son front. Jaillit alors une lumière violette qui s’éleva, l'illuminant en entier tandis que je visualisais la pièce où Shiro se reposait. Dès lors, un sceau se forma au-dessus de sa tête, juste en dessous de ma main, et il le fit disparaître au fur et à mesure de sa descente jusqu'au sol.

     

    Étrangement, je n'en ressentais aucun effet alors que, habituellement, cela me fatiguait plutôt vite.

     

    - Je l'ai envoyé rejoindre sa sœur.

    - Bon travail.

     

    Jess me fit un sourire léger, plutôt heureux d'avoir déjà sauvé l'un de nos camarades prisonniers. Je me tournai vers Alban qui avait le regard dans le vide et l'interpellai.

     

    - J'avais promis de t'en dire plus non ?

    - Oui, si ça ne te dérange pas.

    - Ça risque d'être un peu long, je vais commencer par le début, ou plutôt, te dire ce qu'on a bien voulu m'expliquer et compléter avec mes connaissances.

     

    Je me souvenais encore des explications qui nous avaient été fournis plus jeunes. Alex, Tyan, Ellie et moi ne connaissions encore rien du monde et n'avions pas encore subi d'expérience. Notre tuteur de l'époque, IO, nous avait parlés de nos racines.

     

    « Chaque pouvoir a un code génétique qui modifie automatiquement l'ADN de ceux qui en deviennent les porteurs. Ce n'est pas obligatoirement obtenu à la naissance. »

     

    « À la découverte des premiers échantillons sur des squelettes, des scientifiques ont fait des expériences pour identifier la gêne principale. Et, quand ils l'ont découvert, ils l'ont testée et ont tenté de la reproduire. »

     

    « La surprise totale les saisit aux résultats : bien qu'ayant la même origine, les codex différaient drastiquement ! Cependant, ces découvertes ont entraîné de grandes difficultés à contenir, ce qui entraîna la fuite de presque toutes les expériences, autrement appelées le gaz Cvx4. »

     

    « Seul restant, la graine d'origine ainsi qu'une détentrice pouvant prédire l'avenir. Sa dernière prédiction incluait d'ailleurs les Empereurs et celui qu'on nomme le ''Destructeur''. »

     

    « La gêne fut divisée en quatre et introduite dans des enfants, avec l'espoir qu'ils deviennent les sauveurs de ce monde. Quand leur ennemi ultime apparaîtra, ce sera un long et dur combat, car, contrairement à tous, son origine est inconnue et ne vient pas du Cvx4. »

     

    - Ce qui nous amène à parler du ''traitement''. Nous, les quatre enfants, sommes le résultat d'expériences scientifiques et, bien que nous ayons une famille quelque part, nous avons été arrachés à elle dès notre plus jeune âge.

     

    Au point que nous ne pouvions plus nous rappeler de ce à quoi elle ressemblait. D'après IO, les dossiers des bases de données ne contenaient même pas cette information. Qui étions-nous ? D'où venions-nous ? Un total mystère.

     

    - Nous sommes le projet (deb)_IMP. J'ai été abandonnée en court du projet, ceux que tu as vu ont disparu et Alex a été maintenu à cause du sérum, HvX². Ce poison a été extrait à partir de restes de membranes d'anciens détenteurs. Il peut nous garder en vie mais à trop grandes doses c'est nocif, douloureux, ça rend fou. Et malheureusement, c'est grandement utilisé dans les séances de torture.

    - Tu es donc bien l'une de ces Empereurs … Imperater. Murmura distraitement Jess, pas étonné du tout.

    - Oui.

     

    Le silence envahit la pièce suite à ces révélations, moi- même, j'étais déroutée d'avoir parlé de cela aussi facilement.

     

    On fut bien vite interrompus par des bruits, des gémissements étouffés semblant provenir d'une pièce voisine. Je me mis en marche vers et arrivai dans une pièce dont je connaissais le modèle.

     

    C'était un « double- torture ».

     

    Une pratique consistant à mettre deux personnes, deux amis, amoureux, coéquipiers, dans la même salle, laisser un assister et boucher les oreilles de l'autre puis le torturer, parfois même en lui injectant du HvX².

     

    Si celui épargné ne répond pas aux questions, cela provoque des sentences sur son partenaire. Parfois, ils procèdent à un échange de rôle entre les prisonniers. La plupart du temps, le torturé, lui, ne peut même pas parler tellement il crie.

     

    Il m'était d'ailleurs arrivé d'assister à ces séances dans le Clan. Je ne laissais rien paraître et posais souvent les questions, étant douée pour les menaces et le bluff, par contre, je refusais de faire quoique ce soit aux captifs. C'était beaucoup trop horrible.

     

    Et, malheureusement, ce fut dans cette pièce que l'on trouva Clara et Edgar.

    Clara en spectatrice, Edgar en torturé.

     

    Les deux étaient totalement inconscients. Je ne savais pas vraiment s’ils avaient déjà échangé de place mais je n'en avais pas l'impression. Clara ne semblait pas amochée réellement et à part une trace de piqûre, un sédatif sûrement.

     

    Alors que chacun de mes coéquipiers se dirigeaient vers leur ami respectif, je les stoppai net.

     

    - Non. On ne sait pas ce qui est arrivé à Edgar, réveillons Clara.

     

    Ils ne protestèrent pas, se fiant à mon jugement. On s'approcha donc d'elle et la détacha. Elle retomba, inerte dans mes bras et je l'allongeai au sol. Doucement, elle se réveilla et se redressa difficilement avant de voir l'état de Edgar, sûrement ce fut ainsi qu'elle se souvint de la torture qu'il avait subi car elle écarquilla les yeux, horrifiée.

     

    - Lana, j'ai essayé ! J'ai tout essayé pour qu'ils le laissent tranquille ! J'ai répondu aux questions, à toutes leurs questions. J'ai même supplié pour qu'ils échangent nos places mais rien n'y a fait ! J'étais condamnée à seulement le voir souffrir.

     

    Clara s'effondra en sanglotant. Jess, compatissant, lui caressa le dos.

     

    - Lui ont-ils injecté quelque chose ?

    - Une seule fois. Et ses cris … ses cris ont été encore plus forts après.

    - Ugh. On est mal. Il va sûrement réagir d'une manière pire que Kuro.

     

    Je n'avais aucun autre choix de stratégie et toujours rien pour contrer le poison. Alors je m'approchais de lui et le détachais. Je soupirai de dépit en voyant ses blessures de plus près, aucune n'avait été ni traitée ni guérie.

     

    Je le secouai doucement mais, à peine réveillé, il se mit à se débattre et à crier. Je le giflai. Je ne savais pas trop quoi faire et ce que j'en attendais alors je pris une longue respiration, c'est alors que je l'entendis.

     

    Il riait.

     

    Pourquoi ? Si ça se trouvait, je n'avais fait qu'empirer les choses et le regard qu'il m'offrit ne fit que confirmer mes doutes. Un regard hautain, le plus froid possible que lui permettaient ses yeux éteints, et je me sentis mal.

     

    Mes pouvoirs étaient comme aspirés.

     

    Je savais que sa capacité pouvait effacer les capacités à un certain point mais entièrement ? Comment peut- il faire ça ? Ce devrait être impossible ! Surtout les miens. Pourquoi étais-je si … Non. Ce n'était pas la question.

     

    Ma magie était en train de disparaître !

     

    Un cercle se formait tout autour de moi mais je n'arrivais plus à rien faire, un boucan prit place dans ma tête alors que je m'accrochais difficilement à cette partie de moi qu'on essayait de m'enlever. Ma détresse me frappa soudainement et j'eus du mal à respirer.

     

    Ma vision était floue pourtant je pouvais voir ses lèvres bouger et, sans même pouvoir entendre le moindre son, je savais ce qu'il prononçait.

     

    « Dissipation totale »

     

    Tout s'arrêta.

     

    Mes pouvoirs n'avaient pas disparu mais Clara s'était jetée sur Edgar et l'embrassait à présent à pleine bouche, la main agrippée sur son col.


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  • J'étais heureuse pour eux mais je ressentais encore un pincement au cœur, une pointe de jalousie. Depuis combien de temps n'avais- je pas eu un moment de répit ? De bonheur ?

     

    Trop longtemps pour que je m'en souvienne. Mais il fallait que je retrouve Alex. Après ça, tout s'arrangerait.

     

    Je me levai brusquement, coupant court à leur élan euphorique. Leurs regards se tournèrent vers moi, curieux de cette soudaine action.

     

    - Vous devez être sûrement fatigués avec ce que vous venez de subir. Vous devriez rentrer à la base, histoire d'au moins soigner vos blessures correctement.

    - Où vas-tu ?

    - Je dois aller le chercher.

     

    Sans attendre une réponse ou une réaction quelconque, je m'éloignais d'eux à grands pas. Quelles pièces n’avions-nous pas visité ?

     

    Il ne serait pas dans une cellule simple, ils n'étaient pas assez fous pour procéder ainsi. Surtout en voulant éveiller seulement Imperafeu, il leur faillait du matériel adéquat. Donc la seule salle réservée aux Empereurs qu'ils avaient gardée ?

     

    J'aurais franchement aimé avoir tort cette fois- ci.

     

    Il était enchaîné, à genoux, ses vêtements étaient en lambeaux ; il n'avait même plus de haut. Son torse était en sang surtout son dos. Il donnait l'impression d'avoir été fouetté au vu de la peau à vif et aux marques à l'air récentes.

     

    Son visage n'était pas visible mais je n'entendais pas, ou peu, sa respiration et je remarquais alors un détail troublant. Son âme avait été séparée de son Impereur. Comment était-ce possible ? C'était censé être impossible ! Sauf s'ils avaient eu l'aide du Destructeur.

     

    Je commençais à avancer vers lui quand un canon froid s'appuya dans mon dos.

     

    - Comme on se retrouve ! Et moi qui voulait prendre ma vengeance !

     

    Et voilà Tania, génial ! Je soupirais. Comment pouvais-je échouer si proche du but ? J'avais été imprudente, c'était vrai. J'aurais dû regarder s'il n'y avait personne et pourtant je ne l'avais pas fait.

     

    Je saurais pour la prochaine fois. Enfin s’il y en avait une.

     

    J'en tirais une grimace amère et me retournais, faisant face à la lieutenante, droite et fière dans son manteau qui semblait resplendir en cet instant. Ma seule angoisse était Alex, rien d'autre. J'avais peur qu'il meure si je n'arrivais pas à temps.

     

    Un rugissement. Un éclair doré.

     

    Un instant plus tard, Alban, changé en un lion au pelage or, projetait Tania contre le mur. Dès lors, des gardes surgirent de tous les côtés, bien vite maîtrisés par le reste de mes amis surgissant dans la salle.

     

    J'étais émue, je pouvais l'avouer sans honte. Rien ne les obligeait à revenir m'aider et pourtant … Pourtant les voilà.

     

    - Lana, vas-y ! Me lança Clara avec un sourire d'encouragement. On s'occupe d'eux !

     

    Mes yeux peinaient à quitter le champ de bataille de peur que l'un d'eux soit blessé mais je devais me résoudre. Ils le faisaient pour moi.

     

    Dès que j'essayais de toucher l'âme de l'Imperafeu, je me sentis brûler et faillis laisser échapper un cri de douleur. C'était chaud, beaucoup trop chaud pour que je puisse faire quoique ce soit. Mais comment … ?

     

    Non, c'était logique.

     

    Je retournais à son corps et prenais son visage entre mes mains. Si je ne pouvais le faire, cela ne voulait dire qu'une chose : que c'était à lui de le faire. Le pire des séquelles était toujours psychologique pas physique.

     

    À peine je touchais son corps avec l'idée de le soigner que les blessures se résorbaient. Je n'avais pas activé ma capacité alors pourquoi ? Je n'avais pas le temps d'y réfléchir plus. Déjà, il ouvrait les yeux.

     

    - Lana mais pourquoi tu es encore là ? Tu aurais dû … aurais dû me laisser.

    - Comme si je le pouvais. Tu dois ramener ton Impereur, redevenir un possesseur, sinon tu vas mourir !

    - Ne serait-ce pas plus mal ? Je t'ai blessée tellement de fois et à chaque fois tu reviens et essaies de me sauver, souffrant davantage. Je n'en vaux pas la peine, tu mérites mieux.

     

    Pourquoi pensait-il cela ? Pourquoi les gens qui m'entouraient finissait toujours par croire que je méritais plus la vie qu'eux ? Ce n'était pas vrai. Je n'étais pas une héroïne, un bon samaritain. Comme eux, je faisais mes erreurs, j'étais humaine.

     

    - Qui crois-tu être pour décider de qui je mérite ?! Tu ne te dis pas que si je reviens et essaie de te sauver, c'est parce que tu es le seul dont j'ai besoin ? Le dernier Empereur qu'il me reste. Alors ne racontes pas n'importe quoi. T'as pas intérêt à me laisser seule, relèves-toi !

    - Oh non. Je ne crois pas que ce puisse être possible.

     

    Cette voix était celle de Kagami ? Encore lui ? Ou plutôt … un autre ? Et la même sensation que la dernière fois revint. Une peur sans nom, une tristesse infinie et une haine incommensurable. Il était debout devant la porte, éclairée par le soleil avec, autour de lui, une aura à la fois envoûtante et terrifiante.

     

    Il commença à descendre tranquillement les marches, sans se soucier de mes camarades qui, à côté, peinaient à faire le moindre mouvement. Tout semblait ralenti et je reconnaissais cette capacité, il l'avait encore volée à quelqu'un.

     

    « L'arche du Temps », utilisée durant la guerre de la Catastrophe. Cela avait été une guerre si courte qu’elle avait duré deux ans mais ça avait été suffisant. Cinq millions de morts parmi ceux qui possédaient des capacités. Les civils avaient été épargnés heureusement. Je n’avais pas beaucoup participé car j'étais jeune et à la recherche de mes amis.

     

    La capacité n'avait d’ailleurs servi qu'une unique fois ; son utilisateur, n'assumant pas l'horreur accomplie à cause de, avait préféré disparaître.

     

    Elle interférait aussi avec l'espace, à la base même de notre univers, et était unique en son genre, en de nombreuses années, je n'avais jamais rien vu de semblable. Mais pourquoi n’étais-je pas affectée ? Était-ce de sa volonté ? Possible. Ou lié au fait que j'avais déjà affronté ce pouvoir ? En rapport à mon pouvoir d'Impereur ?

     

    - J'ai été surpris, tu sais ? .Je savais ton statut mais une telle évolution ! Ma chère Imperater, trop téméraire pour son propre bien.

     

    Sans pouvoir m'en empêcher, j'avais reculé au fur et à mesure qu'il approchait et, finalement, je tombais au sol en heurtant un obstacle, un meuble. Je ne savais pas d'où me venait cet effroi, il était … avait été mon ami. Pourquoi avait-il changé ? Tourné aussi mal ?

     

    Je me relevais le plus dignement possible et le fixais dans les yeux, déterminée.

     

    Mais il n'avait pas seulement changé. La vision d'Imperater me donna d'ailleurs raison. Des frissons me prirent soudainement.

     

    Un halo noir entourait son âme en entier, ce n'était pas tout. Je pouvais le reconnaître entre mille, d'autant plus que mon Impereur me le soufflait à l'oreille. L'origine du halo était, au-dessus même de son esprit, le Destructeur.

     

    Il était possédé par l'ennemi le plus terrible qui soit. Celui qui s'était toujours opposé aux Impereurs, la personne à abattre. Et moi … moi, seule, je n'avais aucune chance face à lui. Je le sentais bien, sa puissance m'écrasait. Combattre, à cet instant, me semblait semblable à un suicide !

     

    - Que lui as-tu fais ? Comment as-tu pu t'emparer de Kagami ? Le posséder ? Depuis combien de temps es-tu là ?

    - Oh ! Comme je le pensais, tu m'as percé à jour. Pourquoi quelle autre raison t’aurais-je demandé de régner avec moi à part le fait que tu sois un possesseur de l'origine ? Réparons ensemble les erreurs du passé, asservissons ceux qui ne se joignent pas à nous et effaçons ce monde stupide pour tout recommencer !

     

    Il me toisait, impitoyable. Malgré son discours général sur ce qui semblait être le monde, j'avais l'impression que quelque chose de plus subtil se cachait derrière. Mais c'était comme si je ne pouvais pas encore comprendre.

     

    - Peu importe tes offres, je ne les accepterais jamais. Tu dis vouloir rebâtir un nouveau monde, effacer les erreurs du passé. Ces mêmes erreurs que tu referas sans vouloir l'admettre, sans vouloir assumer ta part humaine.

    - Ai-je au moins une part humaine ? Regarde-moi attentivement. À la base, j'étais certainement humain mais avec le temps qui a passé, ne suis-je devenu rien d'autre que le Destructeur ?

    - Alors qui es- tu ?

    - C'est vrai, je ne me suis pas présenté.

     

    Il sourit brièvement avant de faire une légère révérence, j'eus davantage la sensation qu'il se moquait de moi plus qu'il n'était sérieux.

     

    - Le Destructeur, maudit du temps et de l'espace, pour te servir. Tu vois, j'ai endossé le mauvais côté de votre création. Pour que la Terre et le monde vous accepte, pour que l'équilibre de l'univers reste stable, j'ai dû être maudit et rejeté. Les ténèbres sont miens. Bien que vous ne vous souveniez pas …

     

    La fin de sa phrase resta en suspens. Sa voix ne fut, un instant, plus qu'un murmure et je vis, pour la première fois, une réelle émotion sur son visage. Cela ne fut que très court. J'eus du mal à analyser ce que c'était. Était-ce de la tristesse, de la douleur ?

     

    - … Le temps a été impardonnable sur ce point. Les souvenirs se sont altérés puis ont fini par en sortir totalement différents. On s'y fait au fil des réincarnations. La haine et la rancune me façonnent. Ainsi, je suis le Destructeur.

     

    Une onde d'énergie se répandit dans la pièce et tout cela venait de lui, encore. Le sol se mit alors à pourrir, à se fissurer, dès que sa capacité fut activée. Il était vraiment le contraire de nous les Empereurs, il semblait représenter la ''mort'' et nous la ''vie''.

     

    D'instinct, ma magie s'activa. Aussitôt, des barrières se dressèrent sur son chemin, tout autour de lui, mais peu importe mes tentatives, elles échouaient toutes. J'essayai de me concentrer, de rester forte. Et des nausées fortes me prirent. Ma tête était si lourde.

     

    Je ne pouvais plus bouger ou même m'éloigner de lui et, bientôt, il fut à mes côtés. Il posa une main sur mon bras avec une douceur étonnante mais Imperater, au fond de moi, se révulsa rien qu'à ce toucher. Je n'avais plus aucune forte, j'étais gelée, totalement à sa merci.

     

    C'était encore pire que la dernière fois. Son contrôle du temps était toujours actif, il n'y avait personne pour venir m'aider. Personne pour empêcher sa main de se poser sur mon visage à présent et je ne pouvais rien faire à part le regarder.

     

    J'étais totalement pétrifiée.

     

    - Lâche-la.

     

    Et aussitôt une vague de chaleur déferla, l'écartant de moi. J'étais soulagée et pleine de joie à la fois, je me retournais aussitôt vers mon sauveur, vers Alex. Son regard avait retrouvé son éclat et sa détermination, cela faisait du bien de le voir à nouveau plein d'énergie. Derrière lui, je sentais l'aura de l'Imperafeu, plus forte que jamais.

     

    - Tu es revenu !

    - Je n'aurais pas pu te laisser. Même en tenant la chance de rompre le lien, j'aurais perdu la place que j'ai à tes côtés. C'est tout sauf ce que je veux. De plus, en te voyant comme ça, comment aurais-je pu t'abandonner ?

    - Mais tu t'es synchronisé avec ton Impereur ? Ce n'est pas quelque chose que tu regrettes ?

     

    Il rit un peu en me regardant avec tendresse. Il me connaissait bien trop pour savoir que j'allais lui poser ces questions s’il faisait ce choix.

     

    - Cesse de t'en faire pour les autres. Je l'ai fait car tu comptes pour moi, énormément, et car notre ''jour'' est arrivé.

    - C'est une manière détournée de me dire que tu-

    - Oh là ! Je ne m'y attendais pas mais Imperafeu, Alex, nous fait l'honneur de sa visite. Malheureusement, je vais vous quitter, je suis pour l'instant trop affaibli pour faire face à vous deux.

     

    Il se retourna et, sans un bruit, il disparut dans l'ombre. Le temps sembla alors reprendre son cours mais les ennemis avaient disparu. Je vérifiais que mes amis allaient bien et, soulagée, je constatais qu'ils n'étaient pas blessés, en tout cas pas gravement. On franchit à nouveau la salle des incubateurs et Alex s'arrêta devant.

     

    - C'est Ellie et Tyan ? Je pensais qu'ils s'étaient … étaient …

    - Je les avais tués. Murmurais-je, peinée. Leurs Impereurs sont incontrôlables.

    - Mais je ne comprends pas. Moi aussi je les ais tués. Peu après notre séparation, je les ais retrouvés. Ils m'ont supplié de les tuer. Combien de fois ont-ils été torturés ? Ramenés à la vie et à la mort ? Ils sont enchaînés, endormis et seuls les Impereurs se relèvent.

     

    C'était malheureusement vrai. Cela devait durer depuis qu'ils s'étaient rendus. Nous les avions tués une fois chacun. Combien de fois étaient-il morts par la main des scientifiques ? Consternée, je me figeai.

     

    Mon partenaire, lui, s'avança vers nos deux amis. Un réel mauvais pressentiment m'envahit, je sentais que je devais l'arrêter.

     

    - Qu'est-ce que tu fais Alex ? Arrête-toi tout de suite !

    - Je fais ce qu'on doit faire ! Je les sauve ! Je peux les-

     

    Je le coupais en plein dans son élan en lui assénant une gifle. Son regard était fou, ses nerfs avaient sûrement lâché mais je devais le ramener à la raison. Je l'empêchais de s'approcher des conteneurs tant bien que mal mais il avait quand même une force supérieure à la mienne.

     

    S'il en savait autant sur leurs états, il avait dû utiliser la vision d'Impereur. Les sauver maintenant était impossible. Ils n'étaient plus eux-mêmes et, en plus, j'avais réellement un mauvais pressentiment vis à vis de.

     

    Dans un dernier espoir de le faire revenir à la réalité, je le tirais brusquement par le col et posais mes lèvres sur les siennes. Ce n'était pas la première fois mais cela faisait longtemps que l'on ne s'était pas embrassés. Et ça eut l'effet escompté.

     

    Aussitôt, il se figea et cessa de se débattre.

     

    - Écoute, on ne peut rien faire pour eux maintenant alors rentrons.

     

    Il me sembla … perdu. J'attrapais sa main et l'entraînais à ma suite, pressée de quitter cet endroit sinistre. Au fur et à mesure que l'on s'éloignait du labo, sa prise sur ma main se raffermissait. Cela me rassurait de le voir revenir à lui.


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  • Je me sentais encore un peu mal de ne pas avoir pu repousser Kagami … non … le Destructeur, seule. Serait-il possible de le sauver, de ramener mon ami ? Pouvais-je rendre la pareille à celui qui m'avait relevée ?

     

    - Bouge-toi un peu Lana, bon sang !

     

    Sans même relever la tête, je reconnaissais sa voix. Avec sa manière spéciale de prononcer les mots et noms comme le mien finissants en a en les accentuant, je pouvais le reconnaître entre mille. C'était Kagami.

     

    Je savais que je faisais pathétique à côté de lui. Mon état était pitoyable à cause de toutes les nuits où je n'avais pas dormi, assaillie par les cauchemars, et n'avais rien fait pour manger ou boire. Je me sentais moi-même si faible que je n'aurais pu bouger le moindre doigt.

     

    C'était plus une question de volonté. Je ne voulais plus rien faire. J'étais brisée. J'avais besoin de retrouver Alex, qu'il m'aide à surmonter tout ça mais il n'était pas là. Plus personne n'était là !

     

    - Je ne peux pas … Je ne veux pas. Je les ai juste …Je ne-

    - Je vais te dire la vérité. Tu as tué tes deux amis. Tu l'as fait parce qu'ils t'ont supplié de le faire. Tu les as libérés de leurs souffrances. Alors penses-tu qu'ils voudraient que tu délaisses ta vie et te laisses mourir à cause d'eux ?! Cela fait déjà un mois. Un mois ! Ton rôle n'est toujours pas fini. Dois-je te rappeler, que tu dois aussi sauver Alex ? Alors Imperater ?!

     

    C'était terriblement vrai. Mais je ne voulais pas l'affronter. Je ne voulais pas continuer seule. Combien de temps cela me prendrait de retrouver Alex ? Combien de temps devrais-je tenir encore face à la culpabilité ?

     

    Kagami soupira avant d'empoigner avec force mon poignet et de me jeter à terre, sur le balcon de l'appartement dans lequel je m'étais réfugiée. La lumière m'aveugla. Je gémis un instant de douleur avant de me relever tant bien que mal.

     

    Il n'en avait pas fini avec moi car dès lors, il me saisit par le col et, sûrement à cause de la colère, sa prise était tremblante. Son ton, lui, était amer.

     

    - Tu as peur d'être seule. Ah ! Nous on n’est pas là peut-être ? On ne compte pas assez pour toi alors ? Ne le ressens-tu donc pas ? Tu es encore là, tu es encore vivante ! … Vis. Vis pour eux, pour Alex … Si tu n'en trouves pas la motivation alors fais-le pour moi, pour nous …

     

    Ses phrases m'avaient atteintes facilement, j'avais été touchée en plein cœur ce jour-là car il avait tellement raison. Il avait été un ami inestimable. Mais il avait fini par partir aux côtés d'un ami en Amérique et je n'avais plus eu de nouvelles.

     

    On atteignit la base. La poigne d'Alex était à présent ferme. Et encore, il était à mes côtés. Cela m'avait manqué, il m'avait manqué. On s'assit sur un des canapés d'une pièce vide de monde. Je lâchais sa main mais quelque chose me chiffonnait.

     

    Mis à part Tania et Kagami, ç'avait été trop facile. J'attendais plus de difficultés, plus de problèmes ?

     

    - Ça m'inquiète. J'ai l'impression d'être passée à côté de quelque chose. Alex ?!

     

    Ses bras m'enserrèrent mais c'était étrange. Je le repoussais et remarquais ses yeux vides. Il semblait être sous une influence ? De quoi ? À ce moment, je remarquais une marque bien précise sur le dos de sa main. Un cœur transpercé d'une épée, tout ça d'une couleur encre noire.

     

    C'était « Noir Désir », une capacité permettant de faire ressortir les plus sombres envies du marqué. Cela permettait la possession mentale en quelque sorte. Mais c'était le don de ... Lene. Cette fille était censée être en Océanie, à des milliers de kilomètres d'ici ! Comment cela pouvait même être possible ?

     

    Alex s'avança vers moi et me plaqua au sol. J'eus un instant le souffle coupé mais n'eus le temps de ne rien faire car déjà il m'embrassa passionnément. Je gardais mon sang froid.

     

    Je le poussais à nouveau mais violemment et courrais vers la porte chercher Edgar.

     

    Il était assis sur un canapé dans une pièce semblable à celle que j'avais quitté. Le fait que ses habits soient froissés ne m'échappa pas, nul doute que Clara l'avait ''attaquée''. Il sourit en me voyant arriver et je remarquais alors Clara allongée sur un divan à côté, bien éveillée, fixant le plafond, l'air gênée.

     

    - Tiens Lana ! J'allais partir à ta recherche justement. Ah...Des choses se sont passées de ton côté aussi ?

    - Oui. Je l'ai enfermé dans le deuxième salon. Peux-tu annuler cette magie ?

    - Okay. Ce sort était celui de Lene... ?

    - Je crois.

     

    Lui et moi l'avions affrontée, elle et son groupe, du temps où j'étais dans l'Association. Au final, on l'avait arrêtée et tout s'était bien fini, elle était retournée en Océanie. Je gardais un souvenir d'elle comme une personne fière, forte et droite, une meneuse qui rassurait et dirigeait au mieux ses troupes, quitte à trop se laisser de côté ses propres sentiments et les négliger jusqu'à ce qu'elle explose. Elle se montrait, par contre, impitoyable envers ses ennemis.

     

    J'ouvrais avec précaution la porte et laissais Alex s'approcher de moi. Rapidement, Edgar le maîtrisa et il retomba au sol. Je le transportais alors du mieux que je pouvais sur un des canapés.

     

    Quand il se réveilla quelques heures plus tard, j'étais seule à son chevet. Il n'osa pas me parler ni même me regarder, gêné. Moi- même, je n'en menais pas large...

     

    - C'est embarrassant. Je suis désolé Lana, je t'ai encore causé...des ennuis ? Grimaça-t-il l'air honteux.

    - Non ! Je veux dire que je suis heureuse que tu sois là à mes côtés et je pensais que tu avais juste oublié...plutôt...

    - Ahaha ! Tu as toujours été plus maladroite que moi pour t'exprimer ! Mais je comprends à peu près.

     

    Il me serra dans ses bras de sa poigne à la fois douce et affectueuse mais aussi forte et sécurisante. L'embarras était encore un peu présent d'autant plus que ses joues étaient rouges. Comme les miennes en fait.

     

    - Tu es la plus importante à mes yeux Lana. Je te protégerais à partir de maintenant.

    - Alex, fais attention à toi s'il te plaît. J'ai déjà tant perdu, je ne voudrais pas que toi aussi tu meures.

    - ...Et je n'ai pas oublié.

     

    Je fus surprise de cette phrase. Cela voulait dire qu'il était encore … ? Je ne voulais pas y penser maintenant. Je me laissais juste aller dans son étreinte si réconfortante. Enfin, la solitude que je ressentais se dissipait un peu. Cela me faisait du bien au cœur.

     

    On se fit interrompre par Jess et Alban qui arrivèrent essoufflés. Ils avaient presque défoncé la porte alors je les avais bien entendu arriver. Un bras d'Alex toujours enroulé autour de la taille, je me retournais vers eux.

     

    - Avez-vous vu Kuro et Shiro ?

    - Ils ne sont pas à l'infirmerie ?

    - Non. Certains disent qu'ils y étaient il y a à peu près une heure mais depuis, ils ont disparu.

     

    Il y avait une heure ? La plupart des cas déclenchés par le pouvoir de Lene dataient précisément d'il y avait une heure. Cela voulait-il dire que les deux étaient liés ? Que ça n'avait été qu'une diversion ? Et j'avais été si aveugle.

     

    Une vague de panique me submergea. Je soufflais longuement dans un espoir de me calmer mais c'était vain. Pourtant, je ne devais pas perdre mon sang-froid.

     

    - Ils ont dû les capturer encore ! Mais pourquoi eux ? J'ai encore échoué à les protéger ! On doit aller les chercher.

    - L'alliance sera contre. Murmura froidement Jess.

    - Hey ! On s'était pourtant mis d'accord !

    - ...Mais Alban nous ne sommes pas-

    - On revient.

     

    Le fait qu'il l'ait appelé par son prénom ne m'échappa pas et me fis sourire. Enfin ils arrêtaient de s'appeler par leurs noms de famille ! Jess se fit traîner en dehors de la salle par Alban. Leurs échos de voix me parvinrent encore une fois avant qu'ils ne disparaissent. Je m'effondrai aussitôt sur le canapé, épuisée par la nouvelle.

     

    - Peu importe ce qu'ils en disent, je viendrais avec toi.

    - Je ne veux pas que tu t'en mêles !

    - Imperater ! Je suis un Empereur au même titre que toi à présent. Ce que je fais n'engage que moi et personne d'autre. Tu ne peux décider à ma place.

    - Alex ! Ce serait dangereux...

    - Tu es bien plus en danger que moi. Si tu affrontes à nouveau le Destructeur, mieux vaut que je sois à tes côtés. Tu en as bien fais assez seule, laisse- moi t'aider.

     

    C'est vrai. Il avait fusionné avec son Impereur. Maintenant ''ils'' ne faisaient plus ''qu'un''...Tous ses arguments étaient plus valables que les miens, plus responsables. Je sentais, au contraire, mes dires égoïstes. Je voulais le protéger, avoir une emprise sur ses choix alors qu'ils étaient siens.

     

    Son bras, resté autour de ma taille pendant tout ce temps se détacha et il s'assit un peu plus loin sur le canapé.

     

    - Nous pourrons sauver Tyan et Ellie, tu penses ? Me demanda-t-il soudainement.

    - Je ... ne sais pas. Pour être honnête, je l'espère sincèrement mais ais peur que ce soit trop tard. Peu importe ce qu'il se passe, ne fais rien d'inconsidéré.

    - Ne t'en fais pas pour ça. Je resterais à tes côtés.

    - Ce n'est pas ce que je veux dire. Tu n'es...Ta réaction de toute à l'heure...Enfin, oublie.

     

    Il me fit un sourire doux et amusé avant de m'embrasser le front et de se lever pour aller prendre un appel.

     

    Restée seule, je sortis l'Ombre-Lumière de ma poche. Ce livre était la cause de tous nos malheurs...Il n'y avait rien d'autre à dire dessus. Si seulement un moyen existait pour le détruire, j'ai déjà tenté beaucoup mais sans succès.

     

    C'était comme s’il me parlait, me demandait de l'utiliser. Avec lui...avec lui, la victoire était assurée. Je pouvais sauver Kuro et Shiro, effacer le Destructeur sans sacrifier quiconque, sans rien faire de spécial. Je pouvais tout changer. Je pouvais tout sauver. Je pouvais...Non.

     

    Ce livre était dangereux. Son utilisation pouvait amener quelque chose de beaucoup plus grave. Un simple souhait pouvait provoquer une catastrophe. C'était une malédiction et la pire qui soit.


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