• Chapitre 13 - Amer échec

    Deux ans et quelques mois plus tôt...

     

    Je m'asseyais nonchalamment à mon bureau, regardant le plafond. C'était si ennuyeux. Tout le monde ou presque était parti en mission et j'étais seule. Kagami était déjà parti en Amérique. Et Ellie et Tyan...Alex...

     

    Je ravalais un sanglot. Après tout ce temps, pleurer encore était inutile. Je pouvais sauver Alex, il n'était pas trop tard. Il ne restait que lui et j'allais le retrouver, j'en étais sûre.

     

    Dire que cela faisait cinq ans que je possédais ce qu'ils cherchaient, c'était amusant en quelque sorte mais je ne savais pas, et n'avais pas trouvé, le moyen de l'utiliser, d'utiliser l'Ombre- Lumière. Ridicule quand même !

     

    S’il exauçait réellement les vœux, je n'en avais qu'un seul : ramener Ellie et Tyan à la vie.

     

    - Hey ! Alors, Lana ? Ouh. Toi ça ne va pas fort hein ?

    - Je vais bien Kal', ce n'est rien.

    - Tu...pleures ?

     

    Alors que je touchais mes joues, je remarquais que, effectivement, je m'étais encore mises à verser des larmes sans même y penser. J'essayais de me rassurer, de rester forte et pourtant j'étais si...faible ! Je n'arrivais même pas à les arrêter.

     

    J'avais honte de moi-même mais mes amis me manquaient tellement ! Tous ceux de l'Association et du Clan me détestaient, je n'avais plus nulle part où aller à part ici.

     

    Une pression me fit revenir à la réalité et, en un clin d’œil, je me retrouvais dans les bras de Kalen. Cela me fait bizarre car c'était mon ami après tout mais je lui étais reconnaissante de vouloir me réconforter.

     

    - Lana, tout le monde a besoin de toi.

    - Je suis désolée. J'ai fait tellement de choses...pourquoi vous me suivez ?

    - Tu es la seule personne qui nous a donné une chance alors que le monde nous avait abandonné. Peu importe où tu iras et ce que tu feras, on te suivra. Je sais bien pourquoi tu es ainsi. Cela a un rapport avec eux...As-tu l'Ombre- Lumière ?

     

    Je me braquais soudainement ; comment connaissait-il l'existence de ce livre ? Et par-dessus tout, comment savait-il qu'il était en ma possession ? C'était étrange...mais il était aussi possible qu'il en ait déjà entendu parler. Dans ce cas, pourquoi me demander si je l'avais ?

     

    Peut-être que je me faisais des idées...mais comme rien n'était sûr en ce moment, je ne pouvais savoir si c'était le vrai Kalen en face de moi ou même s’il était sous influence. Je devrais avoir confiance en lui et pourtant, je ne peux m'empêcher de me méfier.

     

    - ...Non.

    - Ah, dommage. Peut-être aurait-il put les faire revenir. En tout cas, j'ai quand même trouvé ça si ça t'intéresse.

     

    Après une dernière tape sur mon épaule, il partit sans demander son reste. Sur mon bureau avait été déposé une feuille. Il y avait des calculs, des recherches, tout était d'une incroyable précision et clarté si bien que je compris tout et tout de suite. C'était d'une telle simplicité que, avant même de le réaliser, j'étais arrivée à la colline des ''Ruines d'Empire''.

     

    Il me fallait bien des choses. L'Ombre- Lumière tout d'abord ensuite quelque chose en lien avec les personnes, un cercle d'invocation, la formule et, bien entendu, le vœu.

     

    Je traçais rapidement le cercle, prenais le livre ainsi que la formule mais tout me semblait trop simple presque comme si j'étais...aidée. D'un coup, je me sentis manipulée par quelque chose ou quelqu'un.

     

    Je voulus arrêter mais l'espoir fou et inarrêtable de retrouver Tyan et Ellie fut plus fort que tout et, finalement, je complétais le rituel.

     

    Le cercle se mit à briller et tourner puis...plus rien. Tout s'arrêta.

     

    Le vent s'arrêta de souffler, le soleil s'arrêta de briller, le bruit même s'arrêta et ma respiration s'arrêta. Le temps s'était arrêté de filer pendant une période infime mais percevable. Puis repris son cours. Violemment.

     

    Je respirais difficilement et c'est alors que je le vis. Une chose noire, provenant des ténèbres mêmes, s'assembla en plusieurs silhouettes. Les unes après les autres, elles inclinaient la tête vers moi puis se retournaient et disparaissaient dans l'obscurité de la forêt de dessous.

     

    Sauf un.

     

    Le premier continua de me regarder jusqu'au moment où les autres eurent tous disparus. Absorbée par les silhouettes, je n'avais pas fait attention à lui ou même au fait qu'il avait pris de plus en plus apparence humaine jusqu'à devenir un garçon d'à peu près mon âge.

     

    Il était grand, les cheveux châtains très sombres voire noir en contraste avec ses yeux bleus- verts très clairs. Si, pendant l'apparition, je n'arrivais plus à bouger, maintenant que je retrouvais ma totale mobilité, je m'effondrai à bout de force, comme si j'avais lutté contre une force invisible.

     

    L'inconnu s'approcha de moi puis secoua la tête de gauche à droite d'un air pensif.

     

    - Tu n'aurais pas dû nous libérer. Nous sommes dangereux.

    - Je pensais que cela allait exaucer mon vœu. Pas libérer qui que ce soit. Qui êtes-vous ?

    - Mon nom est Lukas. Lukas Siergh. Ils sont les Chevaliers noirs. Ce sont des meurtriers de masse, ils étaient d'ailleurs réputés pour leur massacre avant qu'un sorcier puissant réussisse à nous enfermer dans le livre.

     

    Il poussa un soupir profond. Je le détaillais légèrement en tentant de me relever. Il ne s'était même pas compté parmi ces gens qui semblaient pourtant être siens...

     

    - Pourquoi me fournis-tu des informations ? Tu n'es pas avec eux ?

    - Ils ne m'ont jamais considéré comme l'un d'entre eux. Je sais qui tu es. Et je veux t'aider, j'ai entendu ton vœu. Mais je ne veux pas retourner dans ce livre...

     

    Sa voix tremblait plutôt violemment quand il me l'annonça et bien qu'il semblât vouloir garder la face, son regard était détourné, empli de douleur. Il avait l'air de me ressembler, là, à redouter son passé. Cela me fit sourire.

     

    - Soit, je ne te jugerais pas. Aide-moi et je t'aiderais en retour en t'empêchant de retourner dans ce livre.

    - Merci Lana.

     

    J'étais encore loin de me douter de ce que ce garçon cachait. Ou peut- être étais- je trop naïve. Oui. Naïve. Je préférais accorder une chance aux gens quitte à ce qu'ils me fassent du mal plutôt que de me méfier d'eux directement. Cela pouvait paraître idiot, je le savais.

     

    J'avais bien sûr des doutes, des soupçons, rien de concret. Toujours, je ne pouvais m'occuper de lui quand l'armée de ses confrères sévissait.

     

    Ils passaient dans des villages, jamais aucune ville, juste des bleds paumés au milieu de la campagne, et semblaient suivre un itinéraire précis que je n'arrivais pas à comprendre. À mon arrivée sur les lieux, ils étaient déjà partis, ne laissant plus que décombres et ruines derrière eux.

     

    Les habitants disparaissaient, étaient tués ou gravement blessés. Il n'y avait presque personne de totalement sauf. Les informations à la télévision, aux journaux et aux radios commençaient à circuler et beaucoup de détenteurs s'étaient mis à la recherche de ce fameux groupe pour le vaincre mais personne ne les trouvait.

     

    Au fur et à mesure que les attaques se propageaient, la culpabilité me rongeait. J'avais mis des centaines de gens en danger par mon égoïsme et mon désir de vouloir retrouver deux personnes. De plus, j'avais échoué.

     

    Je savais que c'était à moi de tout arrêter. C'était moi qui avait l'Ombre- Lumière et c'était moi qui avait lancé le sort.

     

    Mes recherches se portèrent étrangement sur l'ancien laboratoire que j'avais quitté il y avait longtemps. Ce lieu où ma vie d'expériences s'était arrêtée, où j'avais explosé telle une bombe. Mon jour.

     

    Il y avait, sur le sol, des ordinateurs abîmés mais qui semblaient fonctionnels, des tables d'opérations, des scalpels et divers autres outils, des incubateurs...Tout était à l'abandon.

     

    Je m'arrêtais néanmoins devant l'un des ordinateurs allumés. Après quelques recherches dans la base de données, je réussi à trouver quelque chose.

     

    Chevaliers noirs

    (Type : Apparition de deuxième génération)

     

    Ces êtres surnaturels sont apparus lors de l'expérience AB2x de deuxième génération. Le but codex IMP fut, évidemment, un échec mais cela provoqua leur sortie. Nous les avons interrogés et ils se sont révélés être une population (entité) maléfique vieille depuis plus de 400 ans. Revenant lors d'invocations ou de rituels, ils sèment le chaos dans des petits villages pendant 10 jours avant de s'attaquer aux grandes villes à l'aide d'une force noire obtenue grâce aux sacrifices précédents. Plus les morts sont nombreux, plus leur puissance augmente. Pour être quasiment invincibles, ils rentrent d'abord en contact par le biais ''pacifiste'' qui va essayer d'amadouer l'invocateur pour finalement le tuer au bout de plusieurs jours. Généralement deux ou trois suffise pour qu'il se décide à le/la poignarder. En faisant cela, ils évitent pratiquement le fait de pouvoir être arrêtés car seul l'origine peut les renvoyer d'où ils viennent.

    Pour cela, il faut que le moyen (livre ou autre) détruise la pierre d'appel du général, bien sûr, cela doit être fait par celui qui les a menés dans ce monde où un qui y a assisté.

     

    Méfiez- vous d'eux car ils possèdent des pouvoirs psychiques anormalement puissants et influents.

     

    Note : Une personne autre a déjà réussi à les renvoyer d'où il venait. Un mage ancien très puissant. Aucun renseignement n'a été donné sur la personne.

     

    IO

     

    IO...L'unique IO. Le scientifique brillant, le seul qui prenait notre défense, qui n'avait qu'un seul objectif : sauver le monde. Et pourtant...pourtant il était attaché à nous un peu à la manière d'un parent. Il se sentait coupable de nous avoir arraché notre passé, si coupable, au- delà de la raison, et nous ne pouvions pas le comprendre, nous n'étions que des enfants...

     

    Je relevais les yeux, interrompant ma pensée, stupéfaite. J'avais à présent le moyen de tout finir. Cette note était porteuse d'une incroyable joie et d'une incroyable tristesse aussi. Lukas n'était donc pas sincère et me manipulait depuis le début. Il comptait me tuer.

     

    De par ce détail, je ne comprenais pas trop. J'étais trop stupide de vouloir encore croire qu'il était innocent ?

    Sûrement.

     

    Je rentrais chez moi où il m'attendait. Je ne lui dis rien sur mes nouvelles informations. J'étais trop choquée.

     

    La nuit, alors que je nageais en plein cauchemar, je sentis un poids un peu lourd sur mon bassin et un souffle chaud contre mon visage ainsi que...qu'un maintien froid et peu agréable d'un objet contre ma gorge.

     

    Mes yeux s'ouvraient brusquement et rencontraient ceux de Lukas juste au- dessus de moi. Ils brillaient d'ailleurs un peu trop dans la pénombre pour qu'ils ne soient pas humides. Il maintenait un couteau contre mon cou mais semblait trembler un peu.

     

    Tristement, je le fixais, déçue de sa trahison. Il ne semblait pas non plus s'y donner à cœur joie et paraissait résigné. Résigné à me tuer.

     

    - Lukas. Alors c'était vrai. Tu n'es qu'un espion envoyé pour me tuer ?

    - Ça aurait été plus facile que tu ne te réveilles pas. Rit-il doucement, amer. Mais oui c'est cela. Je suis un traître ! Déteste-moi ! ...peut-être qu'au moins après t'avoir vu me haïr autant, je pourrais accomplir ma tâche.

    - Ta tâche ?! Ne me fais pas rire ! Je te laissais une chance de nouveau départ et tu la gaspilles ! Tu n'es pas obligé de retourner à leurs côtés.

     

    Je sentis sa prise se défaire légèrement mais juste assez. Je savais que je pouvais à présent me dégager de son emprise mais je n'en avais pas fini avec lui.

     

    - ...Tu n'arriveras pas à les battre.

    - Je peux.

    - J'ai envie d'y croire. Mais je n'ai pas envie que tu échoues comme la plupart.

    - Oh allez ! Tu crois que je suis comme ''la plupart'' ? Je croyais que tu me connaissais ? Que les jours passés ensemble t'avaient appris ?

    - Je sais beaucoup de choses à ton sujet. Imperater tu es...un espoir bien trop grand. Je devrais t'aider mais...

     

    Sa moue était désespérée, je ne pouvais que plonger mon regard dans le sien, sans détour. J'assumais mes propos, j'étais confiante à propos d'eux et, en voyant le doute dans ses yeux, je savais qu'ils étaient justes.

     

    - Tu es bien un membre des chevaliers noirs ? Alors pourquoi ils t'effraient autant ? Pourquoi tu restes avec eux ? Lukas...

    - Je veux venir avec toi. Mais si je suis entraîné dans le livre...

    - La trahison mais ce n'est pas tout. Que t'ont-ils fait ?

    - C'est quelque chose de famille. Nous sommes les seuls à pouvoir peut-être s'en sortir après tout. Notre tâche de pacifiste est reléguée de générations en générations. C'est un rôle important dans le groupe mais malgré ça et parce que certains les ont déjà trahis, on est mal vus. Surtout...

     

    Il se recula, se mit debout, juste sous la faible clarté de la lune et alors il défit sa chemise. La stupéfaction me prit quand je vis les marques et les coups, les cicatrices et les brûlures. Au milieu de tout ça, il y avait un emblème gravé au fer rouge dans son dos.

     

    Son corps présentait des marques plus ou moins vieilles témoignant le fait qu'il les ait reçus dès son plus jeune âge. Au moment où j'effleurais la gravure, il sursauta comme si je l'avais brûlé et se retira, se rhabillant par la même occasion.

     

    - Et encore, j'ai été chanceux. Reprit-il avec une certaine ironie. Je n'ai pas subi le pire. Je n'ai pas eu ce genre de torture ou n'ait rien perdu.

    - On va faire comme ça. Tu as une chance de te libérer de ton passer en venant avec moi et en les combattant. Mais tu peux aussi refuser et essayer de me tuer maintenant.

    - ...Tu es trop gentille. De toute manière, je vais te suivre. Et te donner ça. C'est un papier de rappel, si je me fais aspirer avec eux, utilise-le pour me faire revenir, je compte sur toi.

    - Compris.

     

    Il commença à avancer vers la sortie de ma chambre d'un pas assuré, presque comme s’il ne venait pas de me dévoiler le lourd secret qui pesait sur son existence. Juste avant de franchir celle-ci, il se retourna une fois, en plongeant son regard outremer dans le mien, il murmura :

     

    - L'échec est évident quand la vérité est voilée.

     

    Puis il me laissa là, dans l'incompréhension la plus totale et pourtant, elle s’immisça dans mes pensées et me coûta quelques heures de sommeil.

     

    Mais le lendemain, je ne ressentais pas la fatigue ou l'angoisse, juste la résolution de mettre fin à cette histoire. Et, bien vite, Lukas me conduisit à leur camp. Il m'épaulait et surveillait mes arrières, je me sentais plus en sécurité avec lui.

     

    Le campement était austère, sobre, digne de nomades. Un inconnu passant par-là aurait très bien pu se dire que c'était des gens faisant du camping. Un trompe- l’œil évidemment. Et pourtant, j'aurais pu me faire duper aussi si une étrange sensation ne se dégageait pas du lieu.

     

    Plusieurs tantes attiraient mon regard et je commençais à me demander laquelle serait notre destination finale quand mon coéquipier me prit le bras et m'entraîna vers une autre partie plus isolée, vers deux statues assez singulières.

     

    Notre avancée fut bien vite interrompue par deux chevaliers. Le premier fut si rapide qu'il m'envoya un sort sans que j'eusse le temps de réagir. Cela me coupa durement le souffle et une douleur jaillit dans mon ventre qui se couvrit alors de sang. Je chancelais un instant.

     

    - Lana... ! Je te l'avais dit ! Rebrousse chemin et fuis ! Je te protégerais. S'exclama Lukas partagé entre la panique, l'inquiétude et la résignation.

    - Jamais.

     

    Aussitôt, je me stabilisais. Je ne pouvais pas abandonner maintenant et prendre le risque de laisser filer ma chance et mettre en danger Lukas. Je devais activer un sceau, il le fallait.

     

    Je sentis une onde d'énergie envahir mon corps et un sourire se dessina sur mon visage, quelque part, l'Impereur en moi m'aidait. Les sceaux de la Terre étaient là, prêts à me servir.

     

    - « Imperater », [Premier sceau, L'EDEN]

     

    Deux cercles apparurent au- dessus de leurs têtes, deux blancs. Ils les aspirèrent sans un bruit avant de disparaître à leurs tours. Je me surpris à n'éprouver aucun regret malgré ce que je venais de faire.

     

    - Ils sont... ?

    - Morts. Je viens de les tuer. J'aurais pu les laisser en vie mais ils avaient fait assez de victimes à mon goût. Ce pouvoir, je ne suis pas censée l'utiliser. Le premier des quatre sceaux.

     

    Il me fixa un instant, interdit, avant de hocher la tête avec compréhension mais sans arrêter de me regarder comme si je lui semblais un peu étrangère. Je le suivis dans le passage où je n'eus pas de mal à me débarrasser des chevaliers.

     

    Puis on arriva à la pierre. Elle reposait sur un piédestal au centre de la pièce. C'était un magnifique rubis et l'agencement entier de la salle était fait pour le mettre en valeur. Je fus quelques instants absorbée par la contemplation du bijou avant de me ressaisir.

     

    - Lana, je ne devrais pas être ici.

     

    Sa voix prit des accents désespérés quand il prononça cette phrase. Je devais me dépêcher... Je saisis alors l'Ombre- Lumière, prête à l'abattre pour écraser le diamant en morceaux.

     

    Mais une main tira mon bras en arrière.

    Surprise, je regardais Lukas, car c'était bien lui qui m'avait repoussée. Ses yeux avaient viré en un rouge éclatant, pareil à celui de la pierre et son visage abordait à présent un rictus méprisant.

     

    - Tu n'y toucheras pas.

     

    D'un geste, il me projeta contre le mur sans que je ne puisse rien faire. Il était, de toute évidence, sous le contrôle total du diamant. Il tenta de m'arracher le livre des mains. Je le repoussais avec difficulté avant de me jeter vers le bijou. Avec le choc, il tomba à terre, sans une fissure.

     

    Je me rapprochais d'elle avant de me faire interrompre à nouveau par Lukas qui, cette fois, me projeta à terre avant de m'immobiliser et de poser une lame froide sous mon cou.

     

    Le contact froid et tranchant m'arracha une grimace. Je sentais une légère coupure se former à l'appui du couteau mais je ne pouvais rien faire pour me libérer. Son genou appuyé contre mes jambes et sa deuxième main bloquait mes bras, empêchant tout mouvement de ma part.

     

    La pression sur mon cou devenait de plus en plus profonde. Était- ce la fin ? Je ne voulais pas, je ne pouvais pas maintenant ! Mon dernier espoir, ma dernière chance...

     

    - Lukas, Lukas ! Réussissais-je à dire, désespérément.

     

    Ses yeux bleus me fixèrent juste avant qu'il ne se recule et prenne sa tête entre ses mains, se battant contre l'emprise du rubis. Au milieu de son combat, il me lança un regard.

     

    Je savais bien ce que je devais faire.

    J'abattis de toutes mes forces le manuscrit sur le diamant. Et la formule était... ? J'ouvris le livre et m'empressais de relire mon écriture tremblante.

     

    Le temps s'arrêta à nouveau. Je ne pouvais plus bouger.

     

    Soudain, un point apparut au-dessus de la pierre, provoquant une onde de choc. Elle me transperça. Puis une deuxième se propagea, plus rapide. Cela allait de plus en plus vite et ressemblait étrangement à...mes battements de cœur ?

     

    Un rayon s'éleva au- dessus de la boule, détruisant le plafond de la tente, et tout reprit alors son court aussi violemment que la dernière fois. Je m'effondrai encore, sujet à de violents étourdissements.

    Je mis quelques instants avant de reprendre mes esprits et de me retourner vers Lukas, un sourire aux lèvres.

     

    - Tu as vu ça Lukas ?! On a réus- ...Lukas ?

     

    Il se tenait debout devant moi, exactement comme le jour de notre rencontre. Rien n'avait vraiment changé depuis, il s'était écoulé à peine quelques jours et pourtant, je m'étais habituée à cette personne, à sa compagnie. On était devenus amis, bien que cela peut sembler idiot de s'attacher en si peu de temps, je l'avais fait. Il avait effacé cette solitude un peu trop présente dans mon quotidien.

     

    Il me sourit tristement. Sa peau était translucide et s'effaçait petit à petit tout comme le décor. Il disparaissait ! Il était aspiré par le livre. À nouveau, il secoua la tête d'un air pensif avant de se pencher vers moi.

     

    - Bravo Lana ! Tu as sauvé le monde du danger qui le guettait !

    - Lukas ?! Attends, je ne comprends pas ! Pourquoi tu...je croyais que tu ne serais pas atteint ? Tu m'avais dit que-

    - J'ai menti. Excuse-moi. Tu ne l'aurais pas fait sinon. Tu sais, tu ne peux pas toujours sauver tout le monde. Il faut faire des sacrifices parfois. Je suis content, fier de voir que le destin du monde est entre tes mains.

     

    Il me fit un sourire désolé. Je me relevais durement pour le serrer dans mes bras et ne rencontrais rien d'autre que du vide.

     

    Un affreux vide qui m'entourait et me laissait à nouveau seule, qui envahissait mon cœur et l'étouffait par son trop- plein d'émotions. Un vide faisant, en cet instant, couler des larmes sur mes joues.

     

    Je revivais la perte d'Ellie et de Tyan à travers la sienne. À chaque fois, je me retrouvais séparée de ceux que j'aimais. À chaque fois, c'était ma faute.

     

    Un souvenir me revint en mémoire et, avec frénésie, je dépliais le papier donné plus tôt, dans l'espoir d'y voir une solution, une aide.

     

    « Je suis heureux de t'avoir rencontré, d'avoir partagé ces moments avec moi. Tu m'as cru plus que je ne l'ai jamais été par quiconque, j'ai trouvé en toi ce que je n'avais jamais eu : une amie. Désolé, je t'ai encore sûrement menti en te disant que c'était une solution ''au cas où'', non, il n'y a pas de solution pour moi. Ma route s'achève ici. Je ne le regrette pas. Sois heureuse et ne perds jamais de vue tes objectifs.

    Merci pour tout. »

     

    Mes sanglots redoublèrent. Le froid me saisissait. Il n'y avait plus rien, je restais là alors que les dernières parcelles du village s'évaporaient tel un rêve.

     

    L'Ombre- Lumière était posé là, à mes côtés, dans l'herbe. Il semblait presque me fixer, se moquer de moi...Un élan de rage me vint et je poussais un cri désespéré. Ce livre...était censé exaucer les vœux ?! Vraiment ? Alors pourquoi... ? Pourquoi apportait-il tant de malheur ?

     

    Et tous ces gens sacrifiés par la seule chose qui s'était échappée du livre ? Ces victimes ? Ces pertes à pleurer ?

     

    - Pourquoi ?! Pourquoi es-tu porteur d'autant de malheur ? N’es-tu pas censé exaucer les vœux ? N'est-ce pas ce pourquoi tu as été convoité et a déclenché des guerres ? Alors pourquoi...

     

    Ma gorge se bloqua. Ma vision était floue, remplie de larmes, je les essuyais rageusement. J'étais si...faible ! Je ne pouvais rien faire pour lui ?

     

    ...UN AUTRE VOEU...UNE COMPENSATION...

     

    - Vraiment ? Est-ce...Je t'en prie, sauve Lukas de cette malédiction, ramène-le ! Je souhaite qu'il soit libéré, qu'il revienne en ce monde ! ...Alors, s'il-te-plaît exauce mon vœu.

     

    Le livre brilla un instant d'une vive lueur bleue mais rien ne se passa. Rien du tout. Je m'effondrai juste au milieu de la prairie, maintenant vide, exténuée et triste à en mourir.

     

    Quand je repris connaissance, j'étais contre un dos chaud, quelqu'un me portait mais...qui ? Était- ce un allié ? Des cheveux bruns aux reflets blonds et cette silhouette, ce confort familier...c'était sans aucun doute Kalen.

     

    - Tu es réveillée Lana ? Je t'ai trouvée ici en allant en ville alors je te ramène à l'Empire. Tu as fait du bon travail.

     

    Ses mots emplis de douceur me réchauffèrent un peu le cœur. Me laissant bercer par les sons des pas et la chaleur de son dos, je m'endormis à nouveau.


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